Bienveillance et résilience : gare à l’overdose

Il est des mots qui, comme l’alcool, doivent être utilisés avec modération sous peine de vraiment saouler. 🤫 Pour ma part, j’ai la gueule de bois. J’en ai marre de la bienveillance. Et j’en ai plein le dos de la résilience.

Souvent l’apanage des sphères politiques, ces deux mots ont débordé dans le monde professionnel et managérial. Vertueux à l’origine, ces mots forts servis et resservis à toutes les sauces ont une fâcheuse tendance à sonner creux aujourd’hui. Et qu’on s’entende bien, ce n’est pas ce vocable que je remets en question mais l’usage excessif que nous pouvons en faire. 👇 Explications.

Que l’on soit politique, chef d’entreprise ou manager, la rhétorique et la dialectique sont inhérents à ces métiers. Le sens de formulation est essentiel. Il renforce le propos s’il est manipulé avec intelligence et le dessert si utilisé avec maladresse. Malheureusement à force d’utilisation, certains mots contribuent à la banalisation du discours et se vident de toute leur substance. Pire, c’est que la plupart de ces mots sont outrageusement utilisés pour servir une action généralement inverse. 

Comme lorsqu’en entreprise un manager recadre un membre de son équipe et justifie « tu sais, je te le dis avec bienveillance ». NON, ce n’est pas de la bienveillance. Et mon avis est qu’elle n’a rien à faire dans ce type de situation. Si on reprend l’étymologie de bienveillance cela fait référence au latin « benevolentia » signifiant « disposition favorable à l’égard d’autrui ». Vous conviendrez avec moi que nous sommes assez loin de la situation. Et le problème est qu’à force d’utilisation abusive, une situation réellement bienveillante perd en force lorsqu’on en fait mention. Par contre, l’absence de bienveillance ne veut pas dire absence de respect.

Les mots ont un sens, alors choisissons-les bien. D’autant plus que la langue française, d’après le Larousse, compte plus de 59 000 mots, donc l’éventail est assez large. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le français est la langue de la diplomatie. C’est parce qu’elle permet d’apporter beaucoup de nuances.

Les mots ont un sens, alors choisissons-les bien.

Quant à la résilience… Ah la résilience, elle se conjugue à tous les temps : je dois être résilient, mon entreprise doit être résiliente, la société doit être résiliente, etc. Introduit au moment du pic épidémique par le gouvernement en avril 2020 avec la mise en place d’une opération militaire baptisée à juste titre « Résilience ». Pour rappel ou pour information, la résilience réside dans la capacité à faire face à un choc. Depuis, elle est employée abondamment. En mars 2022, Jean Castex, alors Premier Ministre, nous présentait « le plan de résilience économique et social » ; en avril était lancé un appel à projets « résilience et capacités agroalimentaires 2030 » ; le 24 août 2021 était promulgué « la loi climat et résilience ».

Alors oui, je sais que la communication gagne en efficacité par la répétition. Mais cette récurrence se fait au détriment de la force du discours. Pour donner un parallèle, vous connaissez toutes ces publicités radio qui répètent une bonne dizaine de fois le nom de la marque. Bien sûr vous la retenez, mais vous en êtes tellement écœuré que cela va provoquer un effet de rejet. Il en est de même avec certains mots.

L’autre gros écueil que j’identifie de cette tendance, c’est que ces mots sont généralement formulés sous forme d’injonctions. « Soyez bienveillants les uns envers les autres » ou prôner la « pratique d’un management bienveillant », le concept ne s’applique plus mais se décrète, pouvant jeter au passage un sentiment de culpabilité. Et le paradoxe de tout cela, c’est que ces injonctions ne sont pas bienveillantes.

Cela induit que si tu n’es pas résilient, tu es faible ; si tu n’es pas bienveillant, tu manques d’humanité. La fréquence d’invocation de ces deux concepts pousse à ce qu’ils deviennent la norme, une obligation de l’appliquer. Si on n’agit pas dans cette normalité, on est alors déviant. Or résumer l’être humain à ces deux seuls mots, c’est nier la complexité qui régissent les interactions humaines et tout le spectre émotionnel qui constitue chacun de nous.

Résonnant quasiment comme des préceptes, la bienveillance et la résilience cherchent à embellir ou amortir les relations humaines, risquant l’aseptisation. A l’heure où faire des vagues est plutôt malvenu, je militerai donc pour le pavé dans la marre. Pour cette nouvelle année, je ne vous souhaite donc pas bienveillance et résilience, mais à peu près tout le reste ☺

Maxime Poux,

Dirigeant chez LIAMETHO

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