François Belley : les secrets d’une bonne idée !

François Belley : les secrets d'une bonne idée !

Et si la bonne idée était notre dernier luxe ? 🤓 Dans un monde de bruits, de polémiques et de scrolls frénétiques, François Belley milite pour une pensée structurée, incarnée et surtout subversive !

François BelleyPublicitaire, conférencier spécialiste des idées et auteur du percutant « Petit traité des idées à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre », François Belley a accepté de livrer sa vision de la créativité à la team We Are COM. 🚀 Avis à celles et ceux qui veulent marquer les esprits : il est temps de réapprendre à penser fort, à créer juste et à déranger avec élégance. 🎯

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Bonjour François, pour commencer, nous souhaiterions connaître votre définition de la créativité ?

La créativité est en réalité un concept assez personnel. Elle dépend à la fois de l’univers dans lequel le créateur évolue, du support avec lequel il joue, des contraintes et des libertés du marché qu’il occupe. Finalement, ce sont nos personnalités et le niveau d’exigence que nous nous infligeons, qui dictent la créativité.

Aussi, si je devais définir cette notion de manière simple, je dirais que la créativité c’est la capacité à s’approprier un sujet pour l’exprimer de manière surprenante, percutante et novatrice. Comme l’atteste la racine grecque du mot « idée » (ideîn signifiant « voir »), la créativité est indissociable de la vision, au fond c’est une manière bien personnelle de voir les choses, de voir ce que les autres ne voient pas forcément.

La créativité c’est la capacité à s’approprier un sujet pour l’exprimer de manière surprenante, percutante et novatrice

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous en dire davantage sur votre carrière, vos expériences et vos défis de « producteur d’idées » ? Qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?

Publicitaire de profession, j’ai fait mes classes au sein des plus grandes agences, avant de rejoindre des structures plus confidentielles, mais agiles et créatives. Toujours animé par la quête des idées nouvelles, je suis désormais à la tête d’un collectif de créatifs. Je suis planneur stratégique et à la tête du pôle new bizz : trouver des idées et gagner des clients : voilà ma mission au quotidien.

Mais au-delà de l’univers de la publicité, je me présente plutôt comme un « producteur d’idées. » C’est d’ailleurs ce qui est mentionné sur ma carte de visite. Placer l’idée au centre de toute réflexion et surtout se placer à l’intersection des mondes (publicitaires, artistiques, culturels, littéraires, politiques) : voilà mon ambition. Au gré des envies et des courants porteurs, mes idées s’expriment donc de manière différente : sous forme de campagnes de communication, de rédaction de livres, d’expositions artistiques, d’édition de jeux de société, de compositions d’albums : au fond, le support n’est qu’un moyen au service d’une idée forte.

J’aspire à 3 choses : sentir la société et ses grands courants, fixer l’époque avec chacune de mes prises de parole, explorer en permanence de nouveaux sujets.

Récemment, est paru votre dernier livre « Petit traité des idées à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre ». Quelles sont les ambitions de cet ouvrage ?

Justement, je parlais de l’intersection des mondes. Cet ouvrage, fruit de 20 ans de lecture, de travail et de rencontres, est à la croisée des chemins entre plusieurs disciplines telles que la publicité, l’art, la philosophie ou encore la politique.

A qui s’adresse-t-il ? D’abord à tous ceux qui ont des choses à dire dans le monde des idées. L’ambition de cet ouvrage est double. D’une part, ce livre cherche à aider les créateurs à se faire entendre dans une société extrêmement bruyante : une société dominée par les réseaux sociaux et le règne de la vidéo, les chaînes d’information en continu et le débat à tout va, le diktat de la polémique et du clash. D’autre part, il encourage à passer à l’action, ici et maintenant. Ce manuel été pensé en effet, autant dans le fond que dans la forme, pour apporter des solutions concrètes, pour embarquer le lecteur et bousculer la pensée.

Justement, quels sont les ingrédients d’une bonne idée ?

Une bonne idée, c’est avant tout une idée préservée : préservée des avis et des commentaires extérieurs ; préservée de la réunionite aiguë ; préservée aussi du « couloir de la mort » où les idées se font souvent massacrées. Le « Petit Traité des idées » explique justement comment conserver les idées de leur conception jusqu’à leur diffusion, en les protégeant de la frilosité et de la prudence ambiantes.

Plus concrètement, une bonne idée, c’est la réunion des trois ingrédients suivants :

  • Une idée qui s’inscrit dans un courant porteur, qui résonne avec une époque et s’inscrit dans un mouvement. C’est une question de timing, la bonne idée doit arriver toujours au bon moment.
  • Une idée qui s’appuie sur le bon support. Zola l’avait bien compris en son temps avec son célèbre « J’accuse », surfant sur les prémices de la presse libre. Tout comme aujourd’hui les marathons caritatifs (Z Event) à l’ère du streaming.
  • Une idée doit être juste dans l’émotion, l’exécution et l’incarnation.

J’ajouterais enfin que les idées puissantes sont celles qui perdurent dans le temps. « Aucune idée n’est géniale, si elle ne marche pas pendant 30 ans », nous rappelait si bien le pape de la publicité moderne David Ogilvy.

C’est avant tout une idée préservée : préservée des avis et des commentaires extérieurs ; préservée de la réunionite aiguë ; préservée aussi du « couloir de la mort » où les idées se font souvent massacrées.

A l’ère de l’infobésité, comment se faire entendre, comment se démarquer ?

Nous vivons actuellement l’âge d’or de la production de contenus de masse. Nous nous situons en effet 15 ans après l’avènement de plateformes telles que YouTube ou Facebook, tout le monde est capable de produire, de diffuser et de monétiser. La concurrence est globale et totale.

Mais alors, comment émerger dans cet âge d’or ? Pour se faire entendre, quel que soit l’univers dans lequel on évolue, il faut avoir quelque chose à dire. C’est en prenant la parole avec des convictions fortes, authentiques et sincères, tout en allant là où il n’est pas attendu, qu’un créateur peut être audible.

Saviez-vous par exemple que les bandes dessinées scientifiques rencontraient une réussite spectaculaire ? Le livre le plus vendu de 2022 est la BD « Le monde sans fin » de l’ingénieur en énergie et climat, Jean-Marc Jancovici. Cet exemple illustre bien la bonne idée, celle que l’on n’attendait pas, mais qui pourtant, rebondit avec succès, sur un courant porteur de la société et sur le bon support.

En tant que publicitaire, avez-vous une bonne idée à nous présenter ?

Oui, ma dernière idée en date. Pour accompagner le lancement de mon livre « Petit Traité des idées, à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre », j’ai décidé d’envoyer au premier ministre la lettre la plus courte du monde. Celle-ci ne comptait en effet que trois mots : « Voilà une idée », le tout accompagné du livre.

Le reste des informations se trouvaient en effet dans le titre de l’ouvrage qui accompagnait cette lettre. Pour toucher une cible sensible à la communication politique, il n’était pas nécessaire d’en dire plus pour se faire entendre. Cette idée reposait donc sur le dispositif le plus simple du monde : 1 lettre, 1 livre, 1 timbre, 1 clic.

Et une mauvaise ?

Cette même idée ! Puisqu’elle n’a pas imprimé comme je le souhaitais. Était-ce une mauvaise idée ? Ou n’est-ce tout simplement « pas encore » une bonne idée ? L’avenir nous le dira. En tout cas, je suis convaincu que les idées qui réussissent bénéficient toujours d’une part de chance. Certes, cette chance peut (dans une certaine mesure) se provoquer. Toutefois cela reste de la chance.

A l’inverse, je reste toujours très indulgent face aux idées qui n’impriment pas, ou du moins, pas tout de suite. Elles constituent 1’acte dans une stratégie au temps long.

Faut-il nécessairement outrepasser les règles pour dénicher les meilleures idées ?

OUI ! Mon avis est assez tranché sur la question. Nous devons « pratiquer la subversion sinon rien », c’est l’idée que je défends précisément dans mon livre.

A mon sens, la bonne idée naît nécessairement d’une rupture, elle doit rompre avec un ordre établi, une convention, une règle, une morale en vigueur… La subversion ne doit pas être perçue comme une fin, mais davantage comme un outil, une technique créative, voire une discipline.

Cela nous ramène vers cette notion essentielle à la créativité, celle de la vision. C’est en remuant ce qui est installé, qu’on décroche toujours de nouvelles idées.

Nous devons « pratiquer la subversion sinon rien ».

Le lancement du « Petit traité des idées à l’usage de ceux qui veulent se faire entendre » outrepasse les codes classiques de la communication. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette opération ?

Que peut faire un publicitaire pour faire connaître son livre ? Hé bien, il fait de la publicité. Car il croit encore en la publicité.

En tant qu’auteur d’un petit traité sur les idées, mon objectif est donc de démonter la force de l’idée, aussi simple soit-elle. Alors, je vais directement dans les librairies et je joue avec mon livre : je détourne les supports connus des lecteurs, comme les « fiches coups de cœurs » des libraires ou les bandeaux des ouvrages et j’y dépose mes propres messages qui participent du bouche-à-oreille.

Aller d’idée en idée sans perdre son enthousiasme : voilà mon ambition pour cette promotion.

D’après vous, quelles seront les grandes évolutions de la créativité en communication ? L’IA bouleversera-t-elle la quête des idées ?

Nous sommes aujourd’hui dans le sas du monde d’après, c’est fascinant ! Nous avons quitté un monde incontestablement, mais nous n’avons pas encore pleinement adopté le suivant. Tout reste donc à inventer, à imaginer et à entreprendre, et ce dans tous les domaines : à nous d’écrire cette nouvelle histoire, celle de notre rapport à la machine.

Mais alors, qui sera le maître des idées ? Je suis persuadé que quand certains se feront happer (trop facilement) par la machine, d’autre parviendront à la dominer et garderont le final cut.

Pour ma part, j’adopte une approche expérimentale de la vie, très empirique : selon moi en effet, une idée naît des sens, des ressentis, de l’intuition, donc de l’humain. C’est justement ce qui nous distingue de la machine, aussi « intelligente » soit-elle. C’est cela qu’il faut garder.

Nous avons quitté un monde incontestablement, mais nous n’avons pas encore pleinement adopté le suivant.

Avant de se quitter, auriez-vous un dernier conseil à confier aux lecteurs de We Are COM qui souhaiteraient booster leur créativité ?

L’un des grands marqueurs de notre époque est la polarisation. A tous les niveaux (social, politique, idéologique) c’est la binarité qui règne. En s’identifiant à telle ou telle communauté, un individu va adopter telle ou telle opinion.

Or, pour accéder à une pensée novatrice et faire venir à soi les idées nouvelles, il est indispensable de dépasser les clivages, capital de s’affranchir du jugement personnel, fondamental de sortir de son monde, important d’enjamber les idées reçues pour se forger une vision du monde singulière. Voilà la clé de la créativité. Alors, osez, sortez de votre zone de confort, observez, lisez, vagabondez, rencontrez votre semblable opposé.

3 choses à savoir sur François Belley

Sa source d’inspiration ? La presse quotidienne papier. Depuis plus de 20 ans, François feuillette, lit, découpe, archive et collectionne chaque jour les articles, les formules, les interviews et les titres des quotidiens. Son petit truc ? Lire trois fois chaque journal, le jour même, 100 jours puis 1000 jours après. C’est amusant et instructif, surtout ça met en perspective les sujets.

Sa publicité préférée ? Plus qu’une simple publicité, François a été surpris par l’expérience à la fois artistique et militante proposée par le quotidien “The Guardian” (The Whole picture), qui a invité les passants à retirer la censure d’un immense panneau publicitaire en plein cœur de New-York.

Le détournement de l’écharpe de football par l’enseigne OuiGO a également retenu l’attention de François. Un parti pris audacieux, qui a sensiblement su jouer avec son support lors d’un match Brest-Paris.

Sa passion ? Sans surprise, c’est l’écriture ! Qu’elle s’exprime dans la musique, dans la publicité ou dans l’édition, c’est la plus grande passion de François. Pour partager le plaisir d’écrire auprès de publics moins professionnels, il anime également des ateliers créatifs et des cours d’écriture.

Visuel : Freepik

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