« Les mots sont puissants »

Déterminés, ils le sont chez MAIF. La team We Are COM a questionné Cécile Ribour, leur directrice de la communication. Déterminés à quoi ? A Niort, d’irréductibles assureurs mutualistes veulent devenir la toute première entreprise à mission au sens de la loi PACTE. En creusant, nous y avons trouvé une entreprise engagée, une conviction profonde et un héritage. Ceci rendu visible par un nouveau logo de l’assureur militant et un nouvel opus publicitaire.

Bonjour Cécile ! Vous connaissez sûrement notre traditionnelle question 🙂 Quelle est VOTRE vision de la communication corporate ?

C’est la courroie de transmission entre la marque et ses publics, entre l’entreprise et ses parties prenantes. Elle porte la raison d’être de l’entreprise et sa vision stratégique jusqu’à l’action concrète. Son rôle est aussi bien interne qu’externe : je ne crois plus aux distinctions d’hier. La communication corporate construit la réputation de l’entreprise, dans un contexte où le consommateur est en quête de sens et de transparence. Elle contribue à créer le capital Confiance, favorable à la préférence de marque. Car les attributs intrinsèques des produits ne suffisent plus à déclencher seuls le choix du consommateur. Alors les communicants doivent engager les communautés qui gravitent autour de la marque, à travers des dispositifs qui permettent aux individus d’être des ambassadeurs positifs et de participer à une action collective. L’idée est d’élargir progressivement le cercle d’influence de l’entreprise qui part de ses propres activités et qui s’ouvre vers la société tout entière.

Aujourd’hui aucune entreprise ne peut être centrée que sur elle-même, ses produits ou son bilan comptable. Sinon, elle restera « entreprise » au sens juridique et ne sera jamais « marque » dans la Cité. L’entreprise doit à présent regarder vers l’extérieur si elle veut être une vraie marque choisie par les consommateurs, aux aspirations de plus en plus citoyennes. Regarder au-delà de soi, c’est considérer la société et le bien commun.

Justement comment le rapport aux marques et le métier de communicant ont-ils changé depuis l’arrivée de l’iPhone en 2007?

Il y a une fusion entre les marques et les services qu’elles proposent. Sur un smartphone, si une appli ne fonctionne pas, on passe à une autre : un service qui ne me satisfait pas est immédiatement supprimé. Il quitte mon univers et n’y reviendra pas. 

Les premières marques installées dans nos iPhones ont créé des standards pour les suivantes. Ces standards « marché » sont devenus extrêmement élevés en matière d’expérience, de fluidité, de rapidité, etc. Face à des concurrents « digital natifs », les entreprises du siècle dernier sont contraintes d’accélérer leur transformation car l’attendu du consommateur est le même quelle que soit la marque. Quand on finit dans la poche du consommateur, il n’y pas plus de distinction.

Évidemment le rapport au temps a lui aussi été bouleversé : l’immédiateté a pris le dessus. Les marques se vivent dans le temps présent, celui de la conversation. Or paradoxalement, nous – communicants – devons penser la marque à long terme si nous voulons construire une vraie relation avec les publics et les engager dans le temps long.

Enfin, le digital a libéré l’expression et l’action citoyenne. Grâce à des applications comme Yuka ou We Act for Good (WWF), chacun peut directement agir. L’individu n’est plus seulement une partie prenante du débat, il en est devenu l’acteur. Et c’est une formidable opportunité pour les marques qui s’engagent : elles peuvent trouver LEUR public, entrer en conversation et en action avec une multitude d’individus.

Dans chacune de nos expressions, nous sommes perçus comme assureurs militants

Pourquoi la MAIF veut être la toute première boîte à devenir une « Entreprise à Mission » ?

Le 17 mai 1934 au Café des Marronniers près de Niort, 156 instituteurs créent la MAIF – une mutuelle basée sur l’entraide à contre-courant du modèle dominant capitaliste. C’est un ADN de pionnier profondément social. Nous continuons notre histoire et voulons être moteur. 

Aujourd’hui, nous sommes la première grande entreprise à s’engager sur la voie de l’entreprise à mission au sens de la loi PACTE. Nous avons développé et adopté notre raison d’être, qui formalise la contribution de la MAIF : « convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au cœur de nos engagements et de chacune de nos actions ». Cette raison d’être a vocation à être inscrite dans les statuts de l’entreprise, lors du vote de l’Assemblée Générale (AG). Voter la raison d’être en AG permet d’entériner une forme de pérennité et de rassembler toutes les composantes de l’entreprise. Mais ce n’est pas suffisant pour garantir l’alignement des énergies. Il faut s’engager à réaliser une mission devant tous les citoyens. Ainsi, chacun pourra à tout moment opposer ce statut à une entreprise qui s’est déclarée « entreprise à mission » si celle-ci ne tient pas ses engagements. C’est ce regard venu de l’extérieur qui nous oblige à accélérer. Nous pensons que cette qualité d’entreprise à mission sera différenciante demain pour le consommateur. Et nous espérons que de nombreuses entreprises emprunteront aussi ce chemin ! 

En quoi le modèle d’entreprise peut-il rendre une entreprise différente ?

Toutes les entreprises ont en commun cette double question : comment créer de la valeur et quelle valeur ? Chez nous la valeur se définit comme la plus grande satisfaction de nos sociétaires, l’épanouissement de nos collaborateurs, l’impact positif sur la société et notre environnement, ceci au service de la performance pour l’entreprise. Notre modèle MAIF ambitionne de faire tout cela en même temps. Le terrain nous est plus favorable car nous n’avons pas d’actionnaire et donc pas de distribution de dividendes. Notre développement se base sur la fidélisation, la satisfaction de nos sociétaires et in fine des recommandations à leurs proches.

Par-là se définit le mutualisme : nous exerçons une activité au seul profit des sociétaires, qui sont à la fois assureurs et assurés. Toutefois pour nous, ce statut ne suffit pas.  Nous voulons créer de la valeur positive pour la société en alignant les intérêts de tous. Collaborateurs, sociétaires et la société en général. Et pour nous, seuls les actes comptent !

Sociétaire, mutualiste, AG, coopérative, part sociale… un champ lexical qui n’est pas celui du grand public. Comment choisissez-vous vos mots ?

Les mots sont puissants. L’entreprise tire sa singularité de son histoire et de son présent. Il ne faut pas s’interdire tous ces mots car ils font partie de l’entreprise. Prenons un exemple : tous nos courriers débutent par « Cher sociétaire » et se terminent par « Sentiments mutualistes« . Ces mots rappellent la puissance du modèle : vous faites partie de la communauté MAIF, vous n’êtes pas un client. La MAIF vous appartient et vous participez à un collectif responsable. 

Que ce soit un emailing ou une publicité TV, l’enjeu est que le récepteur se dise « ça c’est la MAIF, eux sont différents« . Dans chacune de nos expressions, nous sommes perçus comme assureurs militants grâce à nos actes et un ton emphatique, proche, responsable.

Alors que votre slogan « Assureur militant » fête ses 20 ans, vous vous dotez d’un nouveau logo. Les mots vieillissent-ils mieux que les logos ?

Nous avons eu un travail commun sur le logo et sur la signature de la marque MAIF avec cette unique question : quelle expression formelle témoigne le plus de ce que nous sommes et ce que nous voulons être ? Nous voulions un rappel de nos origines, tout en étant moderne et conquérant, pour nous engager vis-à-vis de nos sociétaires comme de la société. 

Ce brief nous a amené à une évolution de notre identité visuelle et à la confirmation de notre signature « Assureur militant« . Le maintien de cette signature est un vrai choix. Elle a aujourd’hui certainement plus de force encore que vingt ans auparavant car elle est encore plus nourrie d’actions concrètes.

Evolution du logo de la MAIF

Le nouveau logo est quant à lui en prise directe avec notre histoire : nous étions pionniers en 1934, et nous le sommes en 2019 en devenant la première entreprise à mission. Graphiquement, nous sommes revenus à une forme de radicalité : un triangle rouge [ndlr : re-branding conduit avec l’agence W]. C’est seulement en 1994 que notre logo était devenu carré sous un fond vert. Nous revenons à nos origines avec plus de simplicité et d’aspérité. Ce logo casse ainsi les codes du secteur de l’assurance, où l’on privilégie davantage la forme carrée, symbole de stabilité. Notre triangle incliné s’inscrit lui dans une dynamique.

Quid de votre positionnement publicitaire ?

La toute première publicité de la MAIF fut diffusée en 2000. C’est récent ! Or d’après de nombreuses études, nous disposons déjà d’un patrimoine publicitaire très distinctif : la saga des personnages filaires est pleinement installée. Le filaire symbolise une grande transparence, une simplicité dans la relation et une véracité dans le propos. Nous croyons que c’est un capital précieux que nous devons préserver et enrichir. Et comme vous l’avez compris, l’argent de la MAIF est l’argent de ses sociétaires. Nous sommes donc particulièrement vigilants sur l’efficacité de nos investissements publicitaires. L’atteinte de ce niveau de reconnaissance avec un nouvel univers publicitaire nous demanderait des investissements beaucoup plus conséquents. 

Au-delà de la publicité, comment animez-vous ce réseau d’ambassadeurs que sont vos sociétaires et élus ?

Nous sommes la seule mutuelle à avoir des militants sur le terrain dans nos délégations Conseil [ndlr : sémantique interne pour désigner des agences de proximité]. Ce sont des sociétaires – élus par les autres sociétaires – qui ont décidé de s’engager dans le fonctionnement de leur mutuelle. Ces personnes ont un rôle d’accueil et de conseil. Elles participent aussi au rayonnement de la MAIF en externe, notamment au niveau local, auprès des collectivités publiques, d’associations. Et sur les réseaux sociaux, c’est une vraie force d’avoir à la fois des salariés et des militants, qui nous donnent une ouverture sur l’extérieur.

Côté organisation, la MAIF compte deux équipes en charge de l’animation du sociétariat : une première dédiée à l’animation des militants (exemple : coordination du réseau de militants sur le terrain), et une seconde dédiée à la vie mutualiste pour les actions à destination des sociétaires (exemple : organisation de conférences). Les militants ont également accès à notre réseau social d’entreprise – sous Yammer – où ils peuvent échanger dans des groupes dédiés. 

Avant de nous quitter, quel bilan tirez-vous du MAIF Social Club ?

Le MAIF Social Club est lieu unique – à la fois concept store, espace d’exposition, de conférence – et a déjà accueilli 100.000 visiteurs depuis son ouverture en 2017. Qui sont-ils ? Des familles, des étudiants, des groupes scolaires, des curieux, des amateurs d’art contemporain, des apprentis-codeurs assidus à nos ateliers, etc. Une diversité de publics, reflet de la singularité de la MAIF : une grande ouverture sur le monde, un questionnement permanent et l’envie de participer à un mieux commun. Un premier bilan très positif !

3 choses à savoir sur Cécile :

  • > Elle nous recommande « L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus » de Pascal Demurger, directeur général de la MAIF (éditions de l’Aube). Il y apporte la preuve de l’efficacité du modèle mutualiste.
  • > Elle aime aussi lire avec ses enfants, le guide Les Zenfants Zéro Déchet de Jérémie Pichon, car on peut être de super-héros au quotidien grâce à des nouveaux comportements. Et ceci en s’amusant !
  • > Elle pleure devant les spots de pub. Sa dernière larme ? Le film « On se bat ensemble, on gagne ensemble » d’Amnesty International France signé DDB Paris ; également agence de la MAIF.
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