La coopération entre les marques et leurs agences est une attente forte des professionnels de la communication. Cette interaction croissante implique une réflexion en profondeur sur nos pratiques de communicants, comme sur le bon état d’esprit à adopter pour concilier engagement, efficacité et image de marque.
La Fédération des SCOP en communication et We Are COM s’associent pour dévoiler comment les SCOP, sociétés coopératives dont les salariés sont les associés majoritaires, s’inscrivent dans cette tendance. Retour sur la table ronde « MadeInSCOP #15 » qui a réuni des acteurs clés du monde des SCOP de la COM’.
Pour débuter, qu’est-ce qu’une SCOP ?
Nathalie James, Déléguée générale de la Fédération des SCOP de la communication : Une SCOP (Société Coopérative et Participative) est une forme juridique spécifique d’entreprise, pouvant adopter le statut de SA, SARL ou SAS. Ce qui la caractérise avant tout, c’est que les salariés en sont les associés majoritaires. Ils détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Dans une SCOP, le principe démocratique est central : chaque salarié associé détient une voix, indépendamment de son statut, son ancienneté ou sa part du capital. La transparence est un pilier de son fonctionnement, avec une circulation libre des informations concernant la vie de l’entreprise. Les décisions importantes sont prises collectivement, reflétant la volonté de la majorité. L’implication des salariés est renforcée par un système de répartition équitable des bénéfices. En effet, un minimum de 40 % des bénéfices est redistribué aux salariés. Cette structure favorise une responsabilité et une motivation accrues des salariés dans la vie et la réussite de leur entreprise.
Il existe aussi les SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) qui, quant à elles, associent des personnes physiques ou morales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale. Elles sont de forme SA, SARL ou SAS, privée ou d’intérêt public.
Existe-il des SCOP sur tous les métiers de la communication ?
Nathalie James : Aujourd’hui, il existe plus de 300 SCOP et SCIC de la communication. Elles sont présentes dans tous les domaines, de l’événementiel à l’impression en passant par l’audiovisuel, le web ou la création graphique. C’est justement pour valoriser cette diversité qu’à la Fédération des SCOP de la communication nous organisons les Trophées Made In SCOP.
Être une SCOP, est-ce que cela change quelque chose dans la collaboration agence / clients ?
Bertrand Lecoq, Gérant associé de l’agence SCOP Appaaloosa : En tant qu’agence de communication, nous sommes avant tout jugés sur notre capacité à être créatifs, réactifs et à produire du contenu personnalisé. Un client vient vers nous pour notre savoir-faire, c’est une évidence. Cependant, nous ne cachons pas notre statut de SCOP. Nous communiquons sur nos valeurs de partage du pouvoir et des richesses, ce qui trouve un écho chez nos clients, en particulier ceux qui sont engagés dans une démarche RSE. Ils apprécient cette consonance de valeurs.
Être une SCOP n’est pas un facteur déterminant dans notre réussite commerciale, si nous ne sommes pas performants dans ce que nous faisons. Néanmoins, cela devient un réel avantage dans notre relation de collaboration avec nos clients. Chez Appaloosa, nous cultivons la transparence et valorisons l’autonomie et la responsabilité de chacun. Cela se ressent dans nos interactions et je suis convaincu que c’est un atout qui bénéficie à tous, tant à notre équipe qu’à nos clients.
Jean-Marie Priol, Gérant de la SCOP Boa Light Studio : Pour un client, notre statut de sous-traitant en charge de l’éclairage peut sembler anecdotique. Mais en interne, la réalité est tout autre.
Depuis que nous sommes une SCOP, j’ai observé chez mon équipe un surcroît notable de conscience professionnelle et de responsabilité. Cela peut sembler abstrait, mais c’est concret dans notre quotidien. Chaque membre est devenu plus autonome, plus impliqué, et cela se répercute inévitablement sur la qualité de nos projets et notre relation avec les clients et partenaires.
Bien que nous soyons une petite équipe de moins de dix personnes, notre gestion repose sur l’autonomie et la confiance mutuelle. Notre approche de travail est organique, presque magmatique. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, contribuant à cette fusion créative qui aboutit à un produit final unique. Chez Boa, les idées ne sont jamais binaires ; elles sont nuancées, polies par le débat et la remise en question constante – au cœur du modèle même des SCOP.
Quels sont les avantages pour un annonceur de travailler avec des SCOP de la communication ?
Cédric Bucaille, Directeur Artistique de l’agence (SCOP) Et pourquoi pas : Là où les grandes agences proposent souvent une ou deux pistes sans alternative, notre modèle SCOP privilégie une approche plus horizontale et participative. Nous créons des groupes de travail avec nos clients, favorisant la co-construction et une personnalisation poussée du projet.
Avant de rejoindre l’agence, je travaillais dans une petite agence où j’étais souvent seul à jongler avec les briefs et les demandes, ce qui était mentalement épuisant. Désormais, cette mission est répartie à travers toute l’équipe et le client, ce qui facilite le processus créatif et la compréhension des demandes du client.
Bertrand Lecoq : Le mot-clé pour nous, c’est « co-entrepreneuriat ». Être co-entrepreneur influence positivement la performance de notre agence, et cela bénéficie indéniablement au client. Le principe d’une SCOP, c’est « un homme égal une voix » : cet esprit se ressent dans chaque étape du processus créatif et de production, quel que soit le média développé pour nos clients. C’est une valeur ajoutée perceptible tant au sein de notre agence que par nos clients.
Cécile Manière, Co-fondatrice de la SCOP LICA : En effet, l’avantage majeur pour un annonceur de travailler avec nous est notre approche de co-construction. Nous ne nous contentons pas de répondre à une demande figée ; nous impliquons activement nos clients dans le processus de création. Cela demande certes plus de temps au démarrage, mais garantit un produit final parfaitement aligné avec leurs attentes et besoins.
Est-ce qu’une SCOP remplit par défaut les critères RSE demandés par les Achats lors d’un appel d’offre ?
Nathalie James : Par nature, les membres des SCOP sont généralement très sensibles à leurs pratiques et interactions avec les parties prenantes. Naturellement, ils cochent toutes les cases en matière de gouvernance, mais il est important d’examiner leurs actions sur les volets social, sociétal et environnemental – comme toute autre structure.
Peut-on faire une compétition de SCOP ?
Nathalie James : Bien sûr ! A ce titre, une SCOP est une entreprise comme une autre. Les annonceurs peuvent même envoyer leur cahier des charges à la Fédération et nous diffusons à tous les membres capables de répondre à leur problématique.
Puis-je mettre en avant un label si je travaille avec une agence ou une marque SCOP ?
Emmanuelle Cheilan, Responsable Communication de la SCOP ETHIQUABLE ETHIQUABLE : « SCOP » n’est pas un label. Ce qu’on propose, c’est une démarche, une philosophie. Selon moi, pour une entreprise souhaitant démontrer qu’elle agit différemment, il est important de montrer que le choix de travailler avec une agence de communication SCOP ou des fournisseurs spécifiques n’est pas un acte isolé, mais s’inscrit dans une volonté plus large d’agir de manière responsable et réfléchie. Opter pour des produits et services issus de SCOP ou de structures similaires est une démarche significative, mais cela ne se traduit pas par un label à proprement parler. Il s’agit plutôt d’un choix cohérent et d’une volonté d’adopter un mode de consommation et de collaboration plus éthique et durable.
On le sait, les agences sont en compétition pour recruter les talents ! Être une SCOP, c’est un argument aujourd’hui pour attirer de nouveaux collaborateurs ?
Cécile Manière : Le format de la SCOP, quand il est pleinement exploité, offre cette opportunité d’agir concrètement dans le monde à travers notre travail. C’est une réponse à une quête personnelle de sens et d’action. C’est pourquoi, oui, être une SCOP est indéniablement un argument qui pèse dans la balance pour attirer de nouveaux collaborateurs.
Les annonceurs se plaignent souvent du turn over dans leurs agences partenaires. Dans une SCOP, les collaborateurs sont-ils plus fidèles ?
Cédric Bucaille : Avec 10 ans d’ancienneté au sein de l’agence, je peux témoigner que cette longévité est révélatrice d’un environnement où il fait bon travailler. Il existe une volonté partagée de préserver ce que nous avons créé ensemble. La SCOP est plus qu’une entreprise pour nous, c’est un outil de travail précieux dont nous sommes tous co-propriétaires et que personne ne souhaite perdre. Cet attachement, cette appartenance, contribue sans doute à une plus grande stabilité de l’équipe.
Jean-Marie Priol : Le faible turnover s’explique aussi par le fait qu’en tant que membre d’une SCOP, chaque personne peut s’exprimer librement, soulever des désaccords et proposer des idées pour améliorer les choses. Si les propositions sont judicieuses et astucieuses, normalement, cela incite tout le monde à s’investir et à évoluer ensemble. C’est cela, être dans une SCOP : pouvoir influencer directement son environnement de travail et participer activement à son évolution.
Pour terminer, quel est le rôle de la Fédération des SCOP de la Communication ?
Nathalie James : La Fédération regroupe toutes les sociétés coopératives et participatives dans tous les domaines de la communication, soit plus de 300 entreprises.
Elle représente les intérêts des SCOP, offrant conseil et accompagnement pour leur développement. La Fédération facilite également la mise en réseau, encourageant les échanges et collaborations entre les SCOP. Son objectif principal est de promouvoir les avantages du modèle coopératif, soulignant son impact positif sur l’innovation, la responsabilité sociale et la performance économique dans le domaine de la communication.
Les entreprises et annonceurs à la recherche d’une agence peuvent nous contacter pour les mettre en relation, transmettre leur cahier des charges aux SCOP de la communication. Nous avons aussi mis en ligne un annuaire, où ils peuvent faire des recherches par mots-clés et par géolocalisation : https://www.made-in-SCOP.coop/annuaire
Revoir le RDV MadeInSCOP x We Are COM en replay
Merci à :
- Nathalie Jammes, Déléguée générale de la Fédération des SCOP de la Communication
- Jean-Marie Priol, Gérant de la SCOP Boa Light Studio
- Cécile Manière, Co-fondatrice de la SCOP LICA (Laboratoire d’Intelligence Artificielle et Collective)
- Bertrand Lecoq, Gérant associé de l’agence SCOP Appaaloosa
- Cédric Bucaille, Directeur Artistique de la SCOP l’agence Et pourquoi pas
- Emmanuelle Cheilan, Responsable Communication de la SCOP ETHIQUABLE