Florence Bocchi,
Mélanie Lim de Tapia,
Responsable de la communication globale chez Worldwide Flight Services (WFS)
#Définition
Quelle définition donneriez-vous à la communication internationale ?
Florence Bocchi : La communication internationale, c’est avant tout s’ouvrir au monde et travailler avec le monde. Communiquer auprès de multiples territoires et donc de multiples cultures nécessite une grande curiosité ainsi qu’une grande humilité. Il faut savoir faire fi des stéréotypes et avoir soif de découverte au quotidien. Elle permet de voyager, non pas physiquement mais intellectuellement. C’est un domaine particulier, dans lequel les échanges à l’échelle mondiale sont réguliers, via de nombreux réseaux de communication.
Mais communiquer à l’international, c’est « communiquer » avant toute chose. Il faut savoir à qui on parle et quel message on veut délivrer. Plus précisément, notre rôle consiste à apporter des informations claires et concises à nos correspondants, dans mon cas d’autres communicants à travers le monde, afin qu’ils soient en mesure d’adapter chaque support et chaque contenu à leur territoire et à leur culture tout en respectant les codes de la Marque, son histoire, son ambition. Finalement, c’est un travail d’appropriation, absolument pas descendant, mais plutôt transversal, puisque le cœur de nos métiers reste l’échange, l’échange de visions et d’expertises.
Mélanie Lim de Tapia : Vous imaginez peut-être que la communication internationale, c’est voyager, d’autant plus chez WFS, entreprise du secteur aérien ? Et bien non. Cela m’arrive de voyager, en fonction des missions qui me sont confiées, mais le voyage n’est pas quotidien.
Je rejoins Florence, le plus important dans la communication internationale, et même la communication de manière générale, c’est la curiosité et l’ouverture d’esprit. Sans cesse, il nous faut nous reposer la question de la compréhension de notre message, par différentes cultures et donc différents modes de pensée. En effet, s’il existe plusieurs manières de s’exprimer, il existe également plusieurs manières de comprendre.
Autrement dit, la communication internationale est un métier passionnant, capable d’adapter un même message à des publics divers, qui appréhendent le monde de manière spécifique.
Faut-il parler différentes langues pour évoluer dans l’univers de la communication internationale ?
F.B : Effectivement, dans nos métiers la maitrise de l’anglais est importante. Mais, l’essentiel reste de maitriser sa propre langue. Être un bon communicant, c’est d’abord savoir exprimer parfaitement un message dans sa langue. Par la suite, vous pourrez vous entourer de professionnels et experts, en fonction de vos besoins. Donc l’anglais oui, d’autres langues oui, mais avant tout une maîtrise de votre langue natale irréprochable!
M.LT : Oui, il est préférable de parler anglais, puisqu’à l’heur actuelle, c’est la langue internationale. Toutefois, en fonction du poste que vous occupez, de vos missions et de vos interlocuteurs réguliers, cette pratique peut être plus ou moins mise en application. Et même si vous ne maîtrisez pas l’anglais ou d’autres langues, j’estime qu’il existe toujours une manière de se faire comprendre, de réussir à communiquer et pourquoi pas de progresser. 🙂
#Réalisations
Pouvez-vous nous présenter vos fiertés : projets et réalisations qui vous ont marqué ?
M. LT : Chez WFS, nous avons constaté un manque d’alignement dans le discours et l’identité visuelle des présentations externes, notamment des équipes commerciales, puisque chacun se basait sur des informations qu’ils avaient à disposition et sur la dernière maquette PPT qu’ils avaient. Cela donnait une image parfois incohérente ou disparate de l’entreprise, surtout pour des clients avec qui nous travaillions dans plusieurs pays ou régions.
Nous avons donc créé une bibliothèque centralisée de diaporamas qui mettent en avant les forces du groupe en présentent des informations clés sur nos activités et nos collaborateurs. Nos équipes puissent désormais se servir de ces différentes diapos pour élaborer leurs présentations. Ce fut un travail de longue haleine, mais d’une vraie valeur ajoutée. Les supports que nous avons développés, et que nous continuons de mettre à jour régulièrement, font que nos équipes présentent désormais un discours et une image cohérente de l’entreprise, quel que soit le pays ou la région. Et toujours dans cette optique de renforcer notre discours et notre ADN de marque, nous avons réalisé également une refonte de notre site web.
Ces projets de communication ont nécessité de nombreux échanges à l’international. Il nous fallait nous assurer que les contenus que nous mettions à disposition de nos collaborateurs étaient compréhensibles et adaptés aux différents besoins des 27 pays dans lesquels nous sommes implantés. Rendre plus lisible une marque et le discours de ceux qui en parlent, c’est construire un discours que chacun peut s’approprier, à sa manière et selon les spécificités locales.
F. B : Le rôle majeur de la communication est de faire connaître, de révéler une marque pour créer un lien ou une emotion. C’est dans cette volonté que la direction de la communication de Dassault Systèmes a entrepris un vaste projet de visibilité, car nous sommes peu connus, ou confondus !
Comment sommes-nous présents dans la vie des gens ? À travers nos actions dans les villes, dans les industries manufacturières et dans le secteur de la santé. Pour concrétiser cela, nous avons réalisé une série de films tels que « What does Dassault Systèmes do ? » ou encore « Dassault Systèmes in people’s life. » Ces campagnes vidéo ont par la suite été adaptées aux différents canaux de communication et traduites dans de nombreuses langues.
En parallèle, nous menons l’initiative « The only progress in human » que je trouve passionnante. Notre conviction ? Le progrès technologique n’est possible que grâce à l’humain et pour servir le progrès humain. À ce sujet, vous imaginez bien que chaque pays a ses propres problématiques, ses propres défis technologiques et humains à relever.
Nous communiquons sur cette initiative à travers diverses activations et événements. Faire rayonner une marque à l’international, c’est travailler en collaboration, vivre une aventure collective. Une tentative de communication n’a de sens que si elle est pensée en co-construction, avec cohérence et adaptabilité.
#Place au débat
Pourquoi avoir choisi ce secteur de la COM internationale ? Parlez-nous de vos motivations et de votre parcours !
F.B : Avant tout des rencontres ! J’ai eu l’occasion de travailler dans plusieurs secteurs de la communication, et chacune de mes transitions de carrière a été guidée par une rencontre, qui a donné lieu à une envie et une opportunité. J’ai suivi mon instinct, suivi une personne, convaincue que chaque expérience allait m’apporter quelque chose. Finalement, aujourd’hui, dans la communication stratégique d’un groupe international, je me sens véritablement au bon endroit, avec les bonnes personnes.
Il est capital de toujours rester centré sur ce qui nous anime, tout en restant ouvert aux autres et à ce qui se fait ailleurs. Pour évoluer en communication, il faut avoir le goût du challenge collectif et saisir les opportunités qui s’offrent à nous ou les créer !
M. LT : À vrai dire, je n’ai pas véritablement choisi la communication internationale, c’est plutôt la communication internationale qui m’a choisie. 🙂
Je suis née et j’ai grandi en Australie. Après avoir fait des études dans la communication et le commerce, notamment à Sciences Po Paris, j’ai travaillé à la Chambre de Commerce franco-australienne à Melbourne quelques années, avant d’intégrer une entreprise française, toujours à Melbourne. À l’époque, mes missions n’étaient pas internationales, mais plutôt nationales voire même locales, puisque je travaillais pour le réseau de tramways de la ville.
C’est alors que m’est venue l’envie de poursuivre l’aventure de la communication avec une expérience à l’étranger. Visa de travail en poche, je suis retournée en France tenter ma chance. Après une expérience en communication internationale chez Keolis, filiale de la SNCF, j’ai rejoint le groupe WFS.
Finalement, je n’étais pas prédestinée à la communication internationale. C’est la curiosité et l’envie de découvrir le monde qui m’ont menée à elle.
A quoi ressemble une journée type dans la communication internationale ?
M. LT : La journée type ? Ça n’existe pas. Mon emploi du temps varie d’un jour à l’autre en fonction des actualités de l’entreprise et plus largement des actualités de la société. Quel contrat a été signé ? Quelle innovation a été lancée ? Quelle crise faut-il gérer ?
De manière générale, je passe la majeure partie de mon temps à échanger avec nos collaborateurs basés à l’étranger – pour évaluer leurs besoins et élaborer des campagnes adaptées – et à rédiger des contenus : posts LinkedIn, présentations, etc.
F. B: En effet, dans la communication la journée type n’existe pas. Mon rôle consiste à accompagner Dassault Systèmes et sa stratégie à l’international. Pour cela, j’oscille entre le temps court et le temps long.
D’une part, coté temps court, je réponds aux différentes sollicitations des dirigeants, des équipes, du réseau. Je produis des assets qui permettent de faciliter la transmission des bonnes informations. C’est en quelque sorte de la gestion de projet, dont les résultats doivent être visibles en temps et en heure.
D’autre part, le temps long concerne davantage la veille et le décryptage. Accompagner une entreprise, c’est lui apporter une vision du monde à moyen terme. Il faut rester curieux de ce que font les autres marques, les autres secteurs d’activité, il faut se ternir informé des nouvelles tendances, étudier les lames de fond, etc.
Florence, d’après vous, à quoi ressemblera la communication internationale de demain ?
F. B : Il est certain que dans 3 ans, on ne travaillera plus de la même manière. C’est d’ailleurs incessamment qu’il faut se questionner sur les mutations constantes de nos métiers. Un communicant doit être curieux de tout, tout le temps, pour rester efficace. Et c’est en cela que ce métier est passionnant et permet un enrichissement chaque jour.
Aussi, n’oubliez jamais que rien n’est acquis. Restez sensibles aux évolutions de la société et des techniques de communication. Nous ne sommes pas naturellement équipés pour communiquer, il faut se former et se former à nouveau, régulièrement.
Mélanie, avez-vous un conseil à livrer aux futurs communicants qui vous lisent ?
M. LT : Restez curieux, c’est le plus important ! Soyez ouverts au monde : aux gens, aux différentes cultures, aux nouvelles technologies… Autant que possible, voyagez, que ce soit physiquement ou intellectuellement : littérature, cinéma… La curiosité permet de penser comme l’autre et donc d’adapter son message à l’autre.
#Cultissime
Avez-vous des recommandations en matière de culture : publicités mythiques, littérature, cinéma… ?
F. B : La marque Apple est à suivre. C’était le cas hier, ça l’est aujourd’hui et ça le sera certainement demain. Leur dernière campagne de communication est la preuve qu’une entreprise internationale peut communiquer de manière globale sur ces engagements RSE, tout en tenant compte d’une multitude d’enjeux et de diversités locales pour parler à tous.
Côté français, j’apprécie tout particulièrement la campagne « Hexagonal » du groupe SNCF sortie en 2021. Elle a déjà plusieurs années, mais reste tellement juste. Ce film met en scène l’essence de cette marque à la perfection, il fait rayonner à l’international quelque chose qui est fondamentalement et typiquement français. Et reste dans le temps dans la juste tonalité.
Enfin, je reste plus généralement très sensible aux expressions de marques. Je pense notamment aux publicités de la marque Zeiss qui abordent ses expertises et ses activités de manière très intéressante.
M. LT : Une campagne de communication internationale a particulièrement retenu mon attention : « Par Todos », un spot argentin pour la marque Coca-Cola. Cette publicité est géniale, simple dans sa réalisation mais tellement puissante dans son message. De nombreuses autres version et traductions ont été réalisées depuis, mais la version originale reste pour moi la référence.