Ah l’identité sonore, les communicants le savent, elle est essentielle à la mémorisation. Qui ne se rappelle pas du fameux « tadadadada », de l’enseigne McDonald’s ou encore des 4 notes emblématiques des communications du groupe SNCF ?
Et le saviez-vous ? Depuis peu, ce sont les communications gouvernementales qui se parent d’une toute nouvelle signature sonore. Pour en savoir plus, la team We Are COM est allée interviewer Michaël Nathan, Directeur du Service d’Information du Gouvernement – SIG. Retour sur une transformation d’architecture de marque inspirante.
Bonjour Michaël, pour commencer, nous souhaiterions connaître votre définition de la communication publique.
Michaël Nathan : En voilà un vaste débat. Les termes « communication » et « publique » sont à la fois assez génériques et très précis. Je dirais que la communication publique c’est l’explication et la promotion des politiques publiques, afin de les rendre compréhensibles, intelligibles et accessibles à tous.
En effet, c’est là que réside la singularité de la communication publique : pour servir l’intérêt général, il lui faut toucher l’intégralité des citoyens.
Le gouvernement se pare, depuis peu, d’une nouvelle identité sonore. Quels sont les dessous de ce changement d’identité ? Celui-ci s’inscrit-il dans un plan stratégique de plus grande ampleur sur plusieurs années ?
La nouvelle identité sonore vient étoffer le travail réalisé sur la marque de l’Etat, elle signera, à terme, l’ensemble des communications de L’Etat, elle n’est qu’une pierre apportée à un plus grand édifice, notre projet de transformation et de modernisation de la communication que nous poursuivons depuis 2019.
La crise des Gilets Jaunes et le Grand Débat National ont pointé la méconnaissance qu’avaient les citoyens des missions et des actions de l’Etat. Pour pallier au manque d’identification et de réattribution, nous avons entrepris de travailler sur l’architecture de marque pour exploiter le maillage de l’Etat au service de la visibilité de son action ; avec le mantra suivant : « partout où l’État est présent, agit, finance, sa présence doit être clairement identifiée. ».
Dans un premier temps, nous avons remis au goût jour notre charte graphique et modernisé notre logo pour plus d’adaptabilité numérique. Désormais, notre identité visuelle est commune à tous les acteurs de l’Etat : ministères, opérateurs étatiques et tous les services décentralisés (préfectures, ambassades).
La signature sonore n’est qu’une pierre apportée à un plus grand édifice, notre projet de transformation et de modernisation de la communication
Dans un second temps (2021) nous avons harmonisé l’interface numérique Etat-Citoyen avec un système de design unique applicable à l’ensemble de la « toile de l’Etat ». Cet outil permet aux citoyens d’avoir une cohérence graphique et une meilleure expérience à travers l’ensemble des sites de l’État. Le Système de Design vise à améliorer la relation numérique État/citoyen en devenant une référence de qualité et de confiance tout en permettant des économies importantes sur les budgets communication des différents utilisateurs. Pour faciliter son adoption par toutes ces institutions, nous avons mis à leur disposition une bibliothèque de composants numériques utilisable sur l’ensemble des sites internet, c’est un facteur indéniable de l’accélération de la transformation des interfaces numériques de l’État.
La signature sonore vient achever cette transformation en s’ajoutant aux codants visuels et numériques préalablement développés et renforce ainsi la singularité, l’identification et la mémorisation de la communication de l’Etat. Cette identité sonore est une réinterprétation de la Marseillaise, contemporaine, mais intemporelle, tout en restant fidèles et humbles.
Que signifie le nom « FR.AIR » ? Quelles ont été vos sources d’inspiration quant à l’élaboration de ces quelques notes ?
Si notre réinterprétation reprend les moments forts de la Marseillaise, c’est avant tout parce que cet air historique nous qualifie et nous caractérise.
Le nom de cette identité sonore est un jeu de mots alliant le terme « air », puisqu’elle s’inspire de l’emblématique hymne national connu de tous et « .fr », l’extension numérique du pays, qui ancre le morceau dans un environnement plus moderne.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette démarche d’harmonisation, comment déployez-vous ce dispositif auprès des différentes et nombreuses institutions étatiques ?
Dans la sphère de l’Etat, les acteurs sont extrêmement nombreux. C’est une grande force mais qui peut aussi être dans certains cas une faiblesse. Nos messages ont l’avantage de pouvoir être portés par une multitude de voix, mais s’ils ne sont pas harmonisés il y a un risque qu’ils se diluent entre eux vis-à-vis de la perception par la cible.
Aussi, nos outils ont été pensés pour être des facilitateurs, permettre une meilleure appropriation du message par les différents acteurs et donc apporter de meilleurs éléments de compréhension aux citoyens. Notre système de design, par exemple, est un gain de temps et d’argent pour les communicants qui piochent dedans, tout en garantissant l’harmonisation et la cohérence de nos sites internet pour les usagers.
Nos outils ont été pensés pour être des facilitateurs, permettre une meilleure appropriation du message par les différents acteurs et donc apporter de meilleurs éléments de compréhension aux citoyens
Nous sommes à la manœuvre également pour divers marchés interministériels, notamment celui de la mise en accessibilité de la communication gouvernementale, qui est une de nos missions depuis 2021. Afin de rendre la communication accessible à tous et notamment les personnes en situation de handicap – qu’il soit physique ou cognitif, nous avons mis en place un marché sur lequel l’ensemble des ministères ont un droit de tirage pour traduire les prises de parole en langue des signes Française (LSF), transcrire des communications en FALC – Facile à lire et à comprendre, faire de la vélotypie et du sous-titrage etc.
Les messages gouvernementaux sont nombreux. Mais à l’ère de l’infobésité, comment communiquez-vous de manière impactante, sans sur-solliciter les publics ? Comment assurer l’identification de l’émetteur institutionnel ?
A l’ère de la surexposition, le risque est bien évidemment la saturation. De plus en plus, le public s’informe par lui-même, de manière autonome. Notre constat ? Nos messages ont davantage de chance de ne pas toucher les cibles que de les toucher. Les informations peinent à surmonter tous les obstacles qu’il existe entre l’émetteur et le récepteur. Notre rôle de communicant consiste à faciliter cet acheminement.
En partant de ce handicap conjecturel de l’environnement actuel, le SIG a travaillé depuis plus 3 ans à repenser la communication gouvernementale en privilégiant une approche « intégrée » des dispositifs de communication. D’une part, en harmonisant l’identité de tous nos acteurs. D’autre part, en menant une analyse approfondie de nos audiences. Qui sont-elles ? Où se trouvent-elles ? Que cherchent-elles ?
Les informations peinent à surmonter tous les obstacles qu’il existe entre l’émetteur et le récepteur. Notre rôle de communicant consiste à faciliter cet acheminement
En trois ans, le service est sorti d’un rôle essentiellement informatif et normatif pour s’inscrire dans une logique de pilotage, de co-construction, et d’harmonisation pour maximiser la lisibilité de la mise en œuvre des politiques publiques et renforcer la perception de l’action de l’État
Pour ce faire, nous avons entre autres adopté une approche holistique en termes de diffusion média (on et offline) avec comme principal objectif, celui de la performance et de l’efficacité.
Il faut se rappeler que le digital n’est pas une fin en soi mais simplement un moyen d’atteindre des cibles et de les informer. Il est nécessaire d’appréhender cet environnement et de capitaliser sur des approches de « test and learn » toutefois, un réseau granulaire – extrêmement ramifié – comme celui de l’Etat est extrêmement impactant en particulier en raison de sa dimension de proximité. Ce sont nos incarnations localisées (préfectures, France Services…) qui touchent les cibles au plus proche, dans leur quotidien. Autrement dit, notre communication nationale repose également sur le local.
Et concernant le déferlement de fake news, comment sécurisez-vous vos communications ? Comment protéger votre identité de marque dans toutes ses composantes ? Avez-vous des bonnes pratiques à nous partager ?
La fake news est un phénomène très compliqué à gérer, dont les conséquences au niveau de l’Etat peuvent être très dangereuses, voire même impacter la sécurité du pays.
En tant que service de communication, nous ne sommes pas en charge de ce sujet, c’est le service Viginum, qui dépend du SGDSN – Secrétariat Général pour la Défense de la Sécurité Nationale – qui a été créé et mandaté pour lutter contre le phénomène
De notre côté, comment participons-nous à cette lutte ? Nous nous assurons que toutes les informations institutionnelles qui circulent soient avérées et se trouvent sur des environnements clairement identifiables. Nous adoptons une stratégie d’anticipation pour se préserver du typosquatting, l’usurpation d’identité via de faux URL. Enfin, nous opérons une veille assidue et permanente sur toutes ces thématiques de manipulation. La lutte contre les fake news est un travail de longue haleine, puisque leurs capacités de diffusion sont exponentielles.
Justement, d’après vous, à quoi ressemblera la communication publique dans dix ans ?
Il me semble que depuis quelques années déjà, la communication publique a entamé un virage important. Historiquement, ce secteur était perçu comme le versant un peu « plus faible » de la communication, loin derrière la communication à destination du grand public (B2C) ou interentreprises le (B2B). Aujourd’hui, et de plus en plus, la communication publique s’impose et monte en puissance, elle est une réponse à la quête de sens exprimée par les citoyens dans la mesure où elle résonne avec l’intérêt général et les grands principes qui régisse le pacte Etat- citoyens.
L’intérêt général est devenu l’une des préoccupations principales des organisations et entreprises, qui cherchent à retravailler leur raison d’être. La nôtre est déjà bien établie et connue de tous.
L’intérêt général est devenu l’une des préoccupations principales des organisations et entreprises, qui cherchent à retravailler leur raison d’être
C’est une force sur laquelle il nous faut capitaliser, avec une analyse sérieuse et régulière de la performance. Car qui dit plus de performance, dit plus d’impact individuel et donc plus de sobriété au global. Encore une fois, le test and learn est et restera essentiel.
Enfin, l’intelligence artificielle modifiera nos métiers. Les communicants doivent appréhender ces nouvelles technologies, tirer les vertus de cette révolution. Et d’ailleurs, dans un avenir proche, pourquoi ne pas utiliser l’IA pour combattre les fake news ?
Pour finir, avez-vous un dernier conseil à livrer aux communicants qui nous lisent et qui sont garants d’identité de marque ?
Les sujets d’identité ne sont jamais acquis. Alors, restons mobilisés dans le temps. Restons également mobilisés entre communicants. Nous appartenons à une même grande famille, nous employons les mêmes techniques et utilisons les mêmes outils. J’en profite pour remercier tous les communicants qui régulièrement nous sollicitent sur nos bonnes pratiques en matière de communication publique.
[Indiscrétion] 3 choses à savoir sur Michaël Nathan
· Son mantra ? « Expectation is the new currency. » Selon lui, l’environnement actuel est fondamentalement basé sur l’expérience utilisateur, l’attente des audiences en la matière est devenue la véritable monnaie d’échange.
· Sa campagne de communication préférée ? Michaël, véritable « pubivore », a été tout particulièrement marqué par la série de publicités ultra créatives de Volkswagen. Rappelez-vous, ces spots qui touchaient l’inconscient collectif, tel que ce petit garçon qui se prenait pour Dark Vador…
· Ses passions ? Elles sont nombreuses, mais Michaël est surtout un grand adepte du rugby. Un sport de valeurs et de collectif, dont les vertus peuvent facilement se conjuguer avec la vie professionnelle.