Chez We Are COM, nous sommes férus de communication et de lecture ! Il ne nous en fallait pas plus pour tomber sous le charme du dernier livre d’Olivier Cimelière.
Dans « Entreprises : et si vous arrêtiez le coup de COM ? 12 défis à relever pour une communication plus vraie » Olivier Cimelière, auteur et communicant, décrypte les buzz de marques les plus délétères et nous dévoile ses bonnes pratiques.
Bonjour Olivier, nous souhaiterions connaitre votre définition de la communication d’entreprise ?
La communication d’entreprise, c’est l’ensemble des moyens et des ressources visant à nourrir et préserver la réputation d’une marque au sein de ses parties prenantes.
Notez qu’il existe des spécificités en fonction de la nature des organisations. Dans les entreprises, la communication est le plus souvent drivée par le business. Tandis que les communications des collectivités ont davantage un rôle informatif. Malgré tout, la finalité reste invariablement la même : générer la confiance des publics.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous en dire davantage sur votre carrière, vos expériences et vos défis de communicant littéraire ? Qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?
Ce qui m’anime, depuis mon plus jeune âge, c’est l’écriture. Cette passion a commencé par la rédaction de cahiers de foot, que je faisais lire à ma famille étant enfant. Plus tard, elle m’a amené à poursuivre des études littéraire puis journalistique, au Celsa.
Diplôme obtenu, j’ai couvert de nombreux événements pour la presse quotidienne régionale et je me suis initié à l’écriture radio pour plusieurs stations.
Finalement, cette passion pour l’écriture m’a conduit à rejoindre le secteur de la communication. Journaux internes, brochures externes, contenus digitaux, discours de dirigeants, communiqués de presse, éléments de langage, etc., le fil rouge de ma carrière a toujours été la rédaction.
Aujourd’hui, je suis un auteur et un consultant indépendant. Au quotidien, je partage mes expériences et mon regard sur le secteur de la communication dans des livres, des livres blancs et des tribunes, notamment pour mon blog, Le Blog du Communicant.
Récemment, est paru votre troisième livre « Entreprises : et si vous arrêtiez le coup de COM’ ? ». Qu’appelez-vous un « coup de COM » ?
Le coup de COM est une action de communication pensée pour obtenir des résultats immédiats et spectaculaires dans l’objectif d’accroître la visibilité, la notoriété et l’attractivité d’une marque (ou d’une personne). Cette forme de communication peut être sympathique. Tous les coups de COM ne sont pas mauvais ou délétères. Mais doivent être pratiqués avec modération.
En effet, certains coups de COM sont utilisés à mauvais escient : pour détourner l’attention du public et ne pas aborder un sujet sensible, pour s’arroger des mérites excessifs, pour enjoliver les choses en maquillant quelque peu la réalité… Lorsque l’obsession de la visibilité et le désir de vouloir exister à tout prix deviennent des objectifs en soi, toute communication devient superficielle et risque d’être condamnée par ses publics.
Lorsque l’obsession de la visibilité et le désir de vouloir exister à tout prix deviennent des objectifs en soi, toute communication devient superficielle et risque d’être condamnée par ses publics.
Justement, avez-vous un mauvais « coup de COM » à nous présenter ? De quelle manière celui-ci a pu impacter l’entreprise, et comment aurait-il pu être évité ?
Les mauvais coups de COM ne se comptent plus… L’un m’a tout particulièrement marqué au cours de ces dernières années, il s’agit de l’incroyable buzz Carambar de 2013. La marque de friandises avait annoncé l’arrêt officiel des blagues Carambar, dans une vidéo qui très rapidement était devenue virale.
Cette nouvelle a déferlé sur les réseaux sociaux, une pétition a été lancée, les médias ont repris cette information à tel point que même le journal télévisé de 20 heures a rebondi sur cette actualité. Il est pourtant assez rare que les marques fassent irruption dans ce genre d’émission pour ce type de sujet.
Après d’infinies spéculations et suppositions, Carambar a levé le doute : c’était une blague, leur plus grosse blague, imaginée à l’occasion du 1er avril. Au bout du compte, ce n’était qu’un coup marketing…
Certains ont crié au génie, d’autres au scandale. Personnellement, cette blague m’a laissé un goût amer. La marque a choisi de se jouer des journalistes pour déployer une publicité déguisée très bon marché. Qu’en est-il de la confiance des médias après une opération pareille ? Comment les relations presse peuvent-elles rattraper la situation après la diffusion d’une telle fake news ?
Certains ont crié au génie, d’autres au scandale. Personnellement, cette blague m’a laissé un goût amer.
Vous décryptez les « 12 défis à relever pour une communication plus vraie », qu’entendez-vous par communication « vraie » ? D’après vous, quelles sont les attentes des consommateurs en la matière ?
La communication vraie, c’est l’inverse de ce que j’appelle la communication sublimée, cette forme de discours qui consiste à présenter une entreprise comme étant la plus merveilleuse et la plus performante. Depuis que la notion de marque employeur existe, ce genre de dérives enjolivées se démultiplient.
Prenons Amazon, dont les problématiques liées aux conditions de travail pénibles en entrepôts ou encore au management pas toujours bienveillant sont connues de tous, et qui chaque année depuis 4 ans se voit remettre le label de TOP employeur en France. Voici ce qui illustre la communication sublimée, une communication qui gomme un aspect quelque peu problématique au profit d’une vision fantasmée ou aménagée de la réalité.
La communication vraie, c’est également une communication qui doit être cohérente, de bout en bout, sans jamais négliger la retombée d’une action. Cette fois-ci, je prendrais comme exemple Nike, la marque d’articles de sport très engagée auprès des communautés afro-américaines. Cette cause est soutenue par Nike de multiples manières et en de nombreuses circonstances. Rappelez-vous leur partenariat avec Colin Kaepernick, athlète engagé dans la lutte contre le racisme aux États-Unis ou encore du détournement de leur slogan en « for once don’t do it » en soutien à Georges Floyd et au mouvement Black Lives Matters ?
Ces actions étaient très cohérentes, jusqu’à ce que le rapport d’une ONG australienne ne dévoile que Nike profitait du travail des Ouïghours en Chine. Ce grand écart est particulièrement embarrassant.
Enfin, la communication vraie, c’est une communication qui ne trompe pas, qui n’induit pas son public en erreur, à l’image du phénomène croissant du greenwashing. Les experts de cette pratique restent les entreprises pétrolières, qui longtemps ont nié la réalité du réchauffement climatique via la réalisation de fausses études et la diffusion de fausses données.
Et côté communication interne, comment communiquer « vrai » ?
L’interne a longtemps souffert d’une image de public acquis et donc peu turbulent. Pourtant, cette vision de l’interne tend à changer. De plus en plus, les collaborateurs d’une entreprise peuvent piocher et relayer des informations sur celle-ci via les médias, les réseaux sociaux, les forums de libre expression…
Aujourd’hui, même si la communication interne est plus largement utilisée, notamment pour apporter des informations relatives aux transformations de entreprises, celle-ci est encore très descendante et très encadrée. Je trouve dommage de ne pas autoriser davantage le débat, favoriser les interactions pour embarquer les collaborateurs et générer de l’intelligence collective.
Aussi, la communication vraie, en interne, serait pour moi une communication libérée, qui permettrait d’instaurer de véritables échanges entre l’intégralité des parties prenantes et la direction, pour fédérer autour d’une aventure commune.
J’ajouterais que je trouve dommage également d’avoir perdu la pratique du journal interne papier au profit des intranets et des newsletters. Le journal interne apportait une perspective intéressante aux collaborateurs, permettait de revenir sur un événement marquant ou de décrypter un marché spécifique en prenant une certaine hauteur. La culture d’entreprise n’émane pas du nombre d’informations transmises mais plutôt de la qualité du lien créé.
la communication vraie, en interne, serait pour moi une communication libérée, qui permettrait d’instaurer de véritables échanges entre l’intégralité des parties prenantes et la direction
Badbuzz, fake news, infobésité, désinformation… quelles seraient vos recommandations pour se préserver de ces phénomènes viraux ?
Ceux qui me connaissent le savent bien : la veille ! La veille infomationnelle est essentielle pour comprendre l’écosystème dans lequel l’entreprise évolue en temps réel, et donc essentielle pour souligner les points de crispation. Pourtant, trop d’entreprises font encore l’impasse sur cette pratique, malgré les nombreux outils performants qui sont aujourd’hui à la disposition des communicants.
La cartographie des parties prenantes, des communautés actives et des relais d’influence se fait par temps calme. Lorsque la tempête est levée, il est déjà trop tard.
C’est peut-être ma déformation journalistique, mais face aux torrents de fake news et à la désinformation qui s’intensifie sur les réseaux sociaux, je le répète sans cesse : anticipez ! Ne négligez pas la veille qui permet de traiter des signaux faibles avant qu’ils n’empirent.
D’après vous, quelles seront les grandes évolutions de la communication de demain ?
Il n’est pas évident de se prononcer sur l’avenir d’un secteur. J’ai encore en mémoire cette promesse du métavers qui a vite fait pschitt !
Une véritable évolution doit engendrer des répercussions. Aussi, l’enjeu immédiat qui impacte nos métiers, c’est bien l’émergence des intelligences artificielles. Je ne les vois pas comme inquiétantes, mais davantage comme des technologies au service des communicants.
Une IA peut générer un réel gain de temps et d’argent. Je pense par exemple aux vœux des présidents des grands groupes internationaux. Comment adresser ses vœux à l’ensemble des collaborateurs, de manière instantanée, dans la langue de chacun ? Grâce à l’IA, capable de transposer la voix du président à l’infini. C’est bluffant !
Toutefois, ces technologies génératives ont leurs limites. Nous devons rester vigilants, notamment en matière de véracité des informations. Déjà nous l’observons, les fake news et les arnaques se sophistiquent avec l’IA. La certification via la blockchain reste et restera essentielle.
Enfin, en ce qui concerne les évolutions de la communication interne, je me questionne sur la culture d’entreprise. Comment maintenir un sentiment d’appartenance avec le travail à distance ? De quelle manière recréer une dynamique d’équipe sans machine à café ? Nous assistons à un délitement du lien social au sein des entreprises : désengagement des collaborateurs, démission silencieuse… Pour préserver le corps social, la communication interne « vraie » est une des clés.
Déjà nous l’observons, les fake news et les arnaques se sophistiquent avec l’IA.
Avant de se quitter, auriez-vous un dernier conseil à confier aux lecteurs de We Are COM ?
Cultivez en permanence votre curiosité du monde, de la société et plus généralement de tout ce qui se passe autour de vous. Seule la curiosité permet de forger des communications qui raisonnent justes.
Cultivez également votre esprit critique et stratégique. Ne soyez pas uniquement des faiseurs, vous n’êtes pas des boites à outils. Le communicant est souvent plus attendu dans le livrable que dans la critique, pourtant celle-ci est nécessaire, elle permet de faire avancer les choses et surtout d’éviter les faux pas.
3 choses à savoir sur Olivier Cimelière
Ses inspirations au quotidien ? Son mantra est signé Oscar Wilde : « La vraie valeur d’un homme réside, non dans ce qu’il a, mais dans ce qu’il est. » Ses médias préférés sont l’Equipe – pour le football bien sûr mais aussi pour les aspects marketing et économiques du sport – et le Monde, un journal très complet qui a su se réinventer.
Sa publicité préférée d’hier ou d’aujourd’hui ? Sans hésiter, la publicité des Chocosuisse, dans laquelle un fameux poisson nommé Maurice « pousse le bouchon un peu trop loin ».
Plus récemment, Olivier a trouvé marrante, sans être méchante, la campagne d’affichage de Sixt, qui rebondissait sur les événements et anecdotes politiques.
Enfin, il apprécie les campagnes de Free. Vous rappelez-vous de Rodolphe, ce personnage décalé de la marque ? Avez-vous vu les campagnes Reef qui ne se prennent pas au sérieux ?
Ses passions et engagements ? La lecture évidemment ! Olivier dévore par-dessus tout des biographies. Il est également un passionné de football, un sport dont il pourrait parler des heures. Côté engagement, Olivier a rejoint Seniors@work, une initiative créée par Nicolas Bordas qui casse les préjugés sur l’emploi des plus de 50 ans.
Son anecdote de marque ? Olivier a été séquestré plus de 5 heures par une cinquantaine de cégétistes, en compagnie du DRH et de son adjoint du site industriel de Perrier. Il a également déjà passé 22 heures d’affilée dans les locaux de Google France, suite à une descente de la brigade financière.