Les métiers du planning stratégique – épisode #18

Les mini-salons des métiers de la Communication We Are COM X ISCOM, vous présentent le quotidien des communicants. C’est parti pour un aperçu du secteur du planning stratégique, dans cet épisode #18 ! 😎

Quelques mots sur le planning stratégique

👀 Basé sur des observations, des faits, des objectifs, des analyses du marché et des clients, l’objectif du planning stratégique est de penser à la fois « client » et « consommateur ». En d’autres termes, c’est a compréhension des cibles au service d’une stratégie de marque. Le tout, pour être en mesure de transmettre un contexte, une ligne directrice et des informations pertinentes à l’équipe qui va créer la campagne.

Les planneurs stratégique ont à leur disposition toute une palette d’outils 🛠 :

  • Les études : études consommateurs (groupes de travail, questionnaires, témoignages & avis, interactions des communautés…), études sociétales (sondages, études ad hoc…), benchmarks, lectures diverses, articles de presse…​
  • Les brainstormings et les briefs créatifs​.
  • Les indicateurs clés de performance des campagnes.

Paroles d’experts

Du côté annonceur, nous avons la chance de recevoir Martin Gilbert, Product marketing manager au sein du groupe Accor. Tandis que du côté agence, c’est Karine Mast, Fondatrice de l’agence de conseil en stratégie de marque, Brand Alphabet, qui abordera son quotidien dans l’univers du planning stratégique.

# 1 – Bonjour à tous les deux, quel est votre job à chacun ? 

Karine Mast : Après avoir exercé plus d’une vingtaine d’années dans une agence de communication, de design et de branding, en tant que planneuse stratégique, j’ai finalement décidé de fonder ma propre agence, Brand Alphabet. Cette dernière est spécialisée dans le branding et l’innovation, aussi le planning stratégique est au cœur de notre expertise. 

Chez Brand Alphabet, nous suivons deux règles d’or. D’une part, toujours faire confiance à son intuition. D’autre part, oser aller au-delà de la simple analyse pour générer de l’émotion. De plus en plus, le planneur stratégique joue le rôle du troisième œil dans les phases de transition des marques. Notre mission consiste ainsi à apporter du beau et donc transmettre de l’émotion. 

Martin Gilbert : Je suis, depuis peu, Product marketing manager au sein du groupe Accor. Auparavant, et toujours chez Accor, j’ai eu la chance d’exercer dans les domaines du brand content et du brand management, notamment pour le lancement de la marque All, qui a fondamentalement restructuré le groupe et nécessitait un important investissement en communication. 

Depuis quelques années, les manières de consommer ont été bouleversées, entraînant la transformation de nos métiers. D’ailleurs, le monde continue de changer. C’est là qu’intervient le planneur stratégique, dont le rôle est de comprendre ces évolutions, voire de les prévoir. Les marques de demain seront celles qui sauront s’adapter. 

#2 – Pourquoi et quand avez-vous décidé de vous orienter vers la communication ? 

K. M. : J’ai tout d’abord suivi une formation en communication à la Fac, avant d’intégrer une école de création. Mon profil était initialement très créatif, ma première expérience était d’ailleurs dans la conception-rédaction. En tant que planneuse stratégique, je dirais que je me suis formée de manière empirique. Pour exercer ce métier, il ne suffit pas d’écouter les tendances, mais véritablement d’acquérir une vision de ces dernières sur le moyen et sur le long terme. Si vous faites preuve à la fois d’un esprit stratégique et de créativité, alors vous parviendrez à maintenir le cap et à exceller en matière de planning stratégique. Je dis souvent que le meilleur planneur est celui qui saura fonctionner tant avec l’hémisphère gauche qu’avec l’hémisphère droit. 

M. G. : Étant lycéen, j’étais passionné par la sociologie, cette science qui permet de comprendre l’humain, ses réactions et ses relations. Toutefois, mon approche n’était absolument pas orientée business de la sociologie. Il m’a ainsi semblé que les domaines de la communication et du marketing étaient ceux qui se rapprochaient le plus de ce qui m’intéressait, l’étude des humains et des tendances. Je me suis lancé et j’ai intégré le BTS Communication de l’ISCOM. Une fois diplômé, j’ai poursuivi ma formation en Master, puis intégré une agence de branding. Ce n’est qu’après ces expériences et quelques voyages à travers le monde, que j’ai décidé de rejoindre l’annonceur. 

#3 – À quoi ressemble une journée type en planning stratégique ?

M. G. : Le plus intéressant en planning stratégique, c’est justement que la journée type n’existe pas. Être planneur, c’est avant tout effectuer des veilles continues, quelque soient les manières de faire. J’aime penser qu’il y a autant de types de planning stratégique que de planneurs. Notre mission est d’apporter du sens aux actions de communication, d’apporter le petit plus qui permet de donner l’impulsion aux créatifs. Aussi, nous devons nous imprégner du monde dans son ensemble. 

De plus, nos collaborations sont quotidiennes, avec des clients, des agences, des équipes créatives ou des équipes de design. Étant amenés à travailler avec des profils différents, cela donne lieu à des rencontres extrêmement intéressantes. 

K.M. : Effectivement, comme le dit Martin, il n’y a aucune journée type en planning stratégique. Au quotidien, nous effectuons des veilles sur les tendances, mais pas nécessairement dans le domaine de la communication. Ces veilles peuvent être orientées philosophie, sociologie, design, etc. Les sujets inspirants sont partout. Il est important d’acquérir une vision globale, de voir ce qu’il se passe partout autour, afin d’apporter des éclairages sur ces fameux « insights ». L’insight, c’est ce qui s’opère dans la tête du consommateur et qui va permettre la transformation, le passage à l’acte de ce dernier. Le planneur stratégique est en quelque sorte le gardien de l’insight. 

Dans ce métier, il ne faut pas hésiter à avoir un rapport d’étonnement face aux choses. Rien ne doit être pris pour acquis, nous devons être les « agitateurs fous » des marques. Notre rôle consiste également à challenger les briefs des équipes créatives, nous sommes là pour les inspirer, leur donner envie. Comme le disait souvent un célèbre Directeur de création, « A chaque brief créatif, il faut réinventer le monde. »

#4 – Qu’est ce qui est le plus stimulant dans les métiers du planning stratégique ? 

K. M : Dans ce métier, les stimulations sont quotidiennes. Je dirais qu’il est fascinant de déterrer quelque chose que le client n’avait pas forcément vu, afin de nourrir la singularité et l’unicité d’une marque. De plus en plus, les marques s’uniformisent, aux quatre coins du monde et nous retrouvons trop souvent les mêmes signes. Or, le plus grand risque pour une marque est celui de devenir transparente et donc de cesser d’exister. 

M. G. : Effectivement, une marque n’existe qu’à condition d’avoir une identité. La préférence du client envers tel ou tel produit ne repose pas sur la notion de vérité mais davantage sur la notion d’appartenance de marque. Autrement dit, la valeur ajoutée passe par la témérité. Récemment, j’observais, en me promenant dans Paris, de très nombreuses campagnes de communication post-covid qui utilisaient le champ lexical de la liberté. Attention à l’uniformité, cela n’a jamais permis à une marque de sortir du lot. 

Concernant le coté annonceur, je dirais que le plus stimulant est d’avoir la chance de travailler pour un secteur ou une industrie que l’on aime. La communication est un métier que l’on porte et que l’on vit au quotidien. Un communicant sera fondamentalement meilleur s’il est passionné par ce qu’il fait et qu’ainsi il croit en ce qu’il raconte. 

#5 – Quel est le projet / activation dont vous êtes le plus fier ?

M. G. : Je dirais que l’un des projets les plus intéressants, mais également l’un des plus conséquents auquel j’ai participé est le lancement de la nouvelle marque du groupe Accor, JOE&JOE. En effet, les jeunes, qui souvent recherchent un bon rapport qualité/prix étaient assez peu ciblés et représentés par nos marques. Ibis, par exemple, au positionnement économique et uniformisé, est davantage orienté vers les familles ou le business, que vers la jeunesse. 

JOE&JOE, c’est la première marque créée par Accor depuis plus de 25 ans, c’est une expérience mise au point pour les jeunes, notamment les millénials et les smart-travellers. Initialement, nous avions deux convictions. D’une part, les chambres ne devaient pas ressembler à des chambres du secteur de l’hôtellerie en général. Il nous fallait tout réinventer, trouver d’autres inspirations : auberges de jeunesse, expériences en tentes, etc. D’autre part, cette nouvelle marque devait bénéficier d’un ancrage local, à l’inverse d’un hôtel qui jamais n’est fréquenté par les habitants du quartier environnant. Nous avons voulu créer une véritable dynamique de Food & Beverage, de soirées, de bars… où se retrouver près de chez soi. 

Pour cela, nous avons fait appel à des designers, dont le brief se résumait à « faites le truc le plus fou ». Et cela a fonctionné, ils ont produit des éléments de communication très hybrides, qui sortent véritablement de la culture préétablie du secteur. 

Pour mieux comprendre ce concept, voici un court film réalisé pour le lancement du premier JOE&JOE, celui de la ville de Hossegor. Et pour l’anecdote, cet établissement était l’ancien surf camp de Quicksilver. 

Enfin, un autre projet me tient à cœur et représente une fierté pour moi, celui du lancement de la marque B2C, ALL. Cette dernière a l’ambition de devenir une marque de distribution, tandis qu’Accor reste une entreprise perçue comme étant « très CAC40 ». ALL, c’est un programme de fidélité réunissant l’intégralité des marques du groupe. Désormais, Accor ne vend plus uniquement des chambres, mais vend des expériences et des avantages membres, rendus possibles grâce aux très nombreux partenariats que nous avons développés. Avec la carte de fidélité ALL, vous pouvez assister à un match du PSG, diner au restaurant, réserver des places pour un festival… Aussi, les mentalités ont évolué. Nous cherchons à retenir nos clients, non plus par la qualité de nos produits qui n’est plus à prouver, mais par l’expérience unique que nous leur proposons. 

K. M. : Au cours de ma carrière, j’ai souvent travaillé pour des marques du secteur du luxe, des marques historiques. Cela me plait particulièrement parce qu’il est parfois nécessaire de « réveiller la belle endormie », selon l’expression populaire. J’ai entre autres effectué ce travail de fond pour la marque de foie gras, Comtesse du Barry. Lorsque l’équipe a fait appel à mes services, la marque se voyait délaissée par les consommateurs, hormis quelques grand-mères. 😀

L’idée a été de réconcilier Comtesse du Barry avec son époque. Nous avons trouvé un effet de dichotomie entre les produits du terroir, typiques du Sud-Ouest et la noblesse du nom de la comtesse. Et mettant en relief ces deux notions, finalement s’élabore quelque chose d’assez distinctif. Avec ce fil rouge de « terroir un brin citadin », nous avons pu externaliser la marque, qui se retrouve notamment dans les aéroports et jouit d’une bonne réputation de savoir-faire à la française, à l’image d’autres maisons de luxe emblématiques. Je garde et garderai de très bons souvenirs de cette success story. 

#6 – Quels sont les défis du planning stratégique ? Les grandes évolutions de ces dernières années ?

K. M. : Le planning stratégique est un secteur qui vit de multiples évolutions. On ne fait plus du planning stratégique, comme on pouvait en faire il y a une dizaine d’années. D’après moi, deux grandes tendances se distinguent davantage que les autres. D’une part, la réaffirmation de l’identité est devenue indispensable. Aujourd’hui et de plus en plus, le consommateur attend les marques au tournant. Il est capital de parler vrai et de fuir le fake à tout prix. En guise d’exemple, voici une petite vidéo de Babel. L’objectif de cette caricature du discours de marque est d’éveiller les consciences avec bienveillance. 

D’autre part, il me semble que le principal défi est d’encourager la co-création. Auparavant, le planning stratégique se concentrait sur la plateforme de marque, tandis qu’aujourd’hui tout a changé. La co-création doit être au centre de toute la stratégie. Personne ne détient la vérité autour d’une marque, alors mettez en place l’effet miroir de la co-création, garante d’une meilleure projection. 

M. G. : Effectivement, j’adhère aux deux points de Karine. J’ajouterais que le rôle du planneur stratégique n’est ni d’imposer une idée, ni d’imposer un positionnement à son client. Par ailleurs, l’inverse est également vrai, le client ne peut obliger une agence à suivre un cahier des charges. La co-création est la seule option qui fonctionne. 

Alors, bien évidemment lorsqu’on parle de grandes évolutions, on parle de digital. Mais au-delà du digital, pour les planneurs stratégiques, il devient essentiel de s’initier à la data, et pas uniquement à la data drive. Il faut être capable de lire et de manier ces données, elles sont des insights à réutiliser. Au quotidien, le planneur reçoit des études et des pourcentages, pas nécessairement pertinents. Par exemple, un site qui génère beaucoup de trafic, n’est pas forcément un site qui génère beaucoup de ventes. Aussi, être capable d’user de la data pour analyser intelligemment les comportements des consommateurs, devient indispensable dans notre secteur. Et d’ailleurs, il est très intéressant d’observer que les collaborations entre agences de planning stratégique et data scientists vont croissantes. 

#7- Auriez-vous un conseil pour les futurs communicants ?

M. G. : De plus en plus, dans le monde de la communication, arrivent des personnes qui initialement n’appartenaient pas à cet univers, alors n’hésitez pas à vous lancer. Retenez simplement que la communication est un métier qui se vit avec le cœur : le communicant doit être passionné, curieux et intéressé par ce qu’il fait. 

De plus, ne craignez pas de poser des questions, commettez vos propres erreurs et vos propres expériences. Il y aura toujours quelque chose à apprendre. 

Enfin, pour rester curieux, restez ouvert, prenez l’habitude de consommer des choses qui ne semblent pas faites pour vous. Feuilletez un magazine destiné à votre grand-mère peut se révéler tout aussi intéressant que d’effectuer une veille sur TikTok. 

K. M : En effet, en communication, il vous faudra vous munir d’une éternelle curiosité pour parvenir à rester un « agitateur ». Pour cela, osez aller à l’encontre des idées reçues, restez fidèle à vous-même, écoutez vos ressentis… Et rappelez-vous qu’il existe mille profils de planneurs stratégique, alors gardez votre sensibilité et votre façon de faire. La singularité est ce dont les marques ont le plus besoin.

Karine Mast,

Fondatrice de l’agence de conseil Brand Alphabet

Martin Gilbert,

Product marketing manager chez Accor Digital Factory

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