Cnaf : la communication publique en mutation

ITW CNAF

La Cnaf, vous connaissez ? Bien sûr, mais peut-être sous un autre nom ! 🤓 C’est l’établissement public qui pilote les 101 CAF, présentes dans chaque département. Elles accompagnent chaque années plus de 32 millions de bénéficiaires, composés des familles et des personnes en situation de fragilité. Or, pour servir les citoyens, encore faut-ils qu’ils soient informés de leurs droits.

damienRMComment informer sans ennuyer ? De quelle manière susciter l’intérêt à l’échelle nationale ? Quels sont les ingrédients pour un discours institutionnel impactant ? Finalement, comment rebrander un service public ?

🚀 Damien Ranger-Martinez, Directeur de la communication et des relations institutionnelles chez Cnaf et membre du Club We Are COM, revient sur une stratégie audacieuse qui bouscule les codes de la communication publique. 👀 Prêt à plonger dans les coulisses de la COM publique ?

Bonjour Damien, quelle définition donneriez-vous à la communication publique ?

En voilà une large question ! La communication publique, c’est avant tout une communication d’intérêt général. Dans une société de plus en plus complexe, son rôle est d’informer le plus justement possible la population sur ses droits ainsi que sur ses devoirs. C’est pourquoi, cette communication à part entière, émise par les acteurs publics, s’adresse au citoyen, à toutes les étapes de sa vie. La communication publique ne prend pas la même forme selon qu’elle s’adresse à l’étudiant, à un parent, à un contribuable… mais elle porte les mêmes valeurs telles que l’engagement, l’intégrité, la légalité, la neutralité, le respect…

La communication publique est donc un levier essentiel pour lutter contre le non-recours aux droits mais aussi contre les critiques sur l’impuissance politique et publique. Souvent, les services publics se transforment pour répondre aux besoins des publics tout en s’adaptant à l’évolution de la société et les citoyens ne le savent pas suffisamment. Je suis convaincu que « mieux communiquer, c’est mieux gouverner », un sujet que j’abordais déjà lors de mon mémoire à Sciences Po. 🙂

Dans une société de plus en plus complexe, le rôle de la communication publique est d’informer le plus justement possible la population sur ses droits ainsi que sur ses devoirs.

Justement, avant d’aller plus loin, nous serions curieux d’en savoir plus sur votre parcours et l’organisation de votre Direction de la communication ?

À l’image de la communication publique, mon parcours est fondamentalement tourné vers l’intérêt général. J’ai eu la chance de commencer ma carrière dans le monde de la communication politique, au service d’un parti et d’une campagne présidentielle. Il est exaltant de participer à convaincre de l’intérêt d’un projet politique pour le pays lors d’une telle échéance électorale…

Après avoir touché au projet politique, je me suis tourné vers la conception et la mise en œuvre de celui-ci, en devenant conseiller parlementaire du Premier ministre et du ministre du Travail entre 2012 et 2015. C’est un univers qui s’écarte de la communication au sens strict, mais où la force de conviction et l’exigence du dialogue sont des atouts indispensables.

Enfin, après avoir communiqué sur un projet politique et participé à le traduire en politiques publiques, je contribue désormais à leur mise en œuvre. Depuis, en tant que directeur de la communication et des relations institutionnelles de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) pendant 7 ans, puis dans les mêmes fonctions à la Cnaf depuis 2 ans, je m’efforce en effet de rendre compréhensibles ses politiques publiques passionnantes aux citoyens.

Concernant la Direction de la communication de la Cnaf, elle est à la fois une petite et une grande équipe, puisqu’elle compte 25 communicants. Nos fonctions y sont assez traditionnelles : relations presse, communication interne et grand public… Notre singularité réside sans doute dans notre mission d’animation du réseau. Celui-ci regroupe près de 250 communicants répartis au sein de nos 101 caisses départementales (CAF) à travers tout le territoire, que nous avons pour mission d’accompagner, d’outiller et de soutenir.

Quels sont vos défis, tant sur le court que sur le long terme à la direction de la communication de la Cnaf ?

Sur le long terme, notre mission reste immuable : faire connaître aux citoyens leurs droits, en particulier leurs droits sociaux, qui restent encore parfois méconnus. Près d’un citoyen sur deux bénéficie d’au moins une de nos 30 prestations et offres de service mais le recours au droit reste important sur certaines prestations, comme le RSA ou la prime d’activité. On ne peut pas s’y résoudre. Informer avec précision et rigueur sur la durée exige un véritable effort de pédagogie eu égard à la complexité de la législation et des situations de vie que nous accompagnons.

Quant à nos défis sur le court terme, ils sont nombreux et variés, émanant directement des réformes politiques et publiques en cours : La solidarité à la source, Le service public de la petite enfance… les nouvelles réformes sont toutes pensées pour faciliter la vie des usagers. Toutefois, ces mesures de simplification constituent dans un premier temps des changements dans la vie de millions de Français qui comptent sur nos services. Aussi, il est impératif que nous les accompagnions efficacement ! Autrement dit, chaque nouvelle solution requiert une nouvelle communication, dont nous sommes les garants.

Et pour ne rien vous cacher, certaines mesures s’anticipent peu. Par exemple, en 2023, le législateur nous a donné 4 mois pour créer et mettre en œuvre une nouvelle aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales. C’est passionnant de pouvoir répondre à des attentes fortes de la société, mais c’est aussi exigeant en matière de communication. C’est là que réside la beauté de travailler à la Cnaf , un des rares services publics capable de déployer de telles mesures en tout point du territoire en un temps très court.

Chaque nouvelle solution requiert une nouvelle communication, dont nous sommes les garants.

Concernant votre cible jeune, quelle stratégie déployez-vous pour gagner en notoriété ?

Beaucoup de nos publics pensent encore que nos allocations sont destinées uniquement aux familles, alors que certaines de nos offres s’adressent spécifiquement aux 16-25 ans. Alors, comment attirer l’attention des jeunes lorsque l’on est un service public ? Nous avons choisi de reprendre l’utilisation des codes et des canaux propres à cette génération, sans pour autant tomber dans le « jeunisme ».

Loin du discours institutionnel traditionnel, notre compte Instagram Caf16_25 délivre des conseils, des tips et des modes d’emploi pour les jeunes. Nous avons opté pour une direction artistique originale et des contenus décalés, convaincus que l’humour peut être un moyen d’amener notre audience à s’approprier les informations essentielles.

Insta jeune16-25

En parallèle, et pour la première fois dans l’histoire de la Cnaf, nous avons noué des partenariats avec des influenceurs et des médias spécifiques, appréciés de la cible jeune. Il est fascinant de voir notre jargon technique et institutionnel se transformer et devenir aussi accessible grâce à ces nouveaux usages.

konbini jeune

Toujours concernant nos partenariats, nous avons pris le parti de concevoir et de développer le manga « Sam et l’administration », avec l’Assurance Maladie. Pour toucher un public jeune toujours plus large, nous illustrons des situations de vie délicates de façon ludique et amusante, en y apportant des réponses concrètes. Cette série de contenus, accessible sur notre site web, a également été diffusée en ligne sur Instagram et distribué gratuitement dans toutes les Fnac de France à l’occasion sde leur programmation pour la « Japan Expo ».

BD Samplanche BD Sam

Nous sommes convaincus que l’humour peut être un moyen d’amener notre audience à s’approprier les informations essentielles.

La Cnaf innove en repensant le format de son magazine “Vies de Famille”, vous pensez donc qu’il est toujours pertinent d’avoir un magazine papier en 2024 ?

Le magazine « Vies de Famille » fait partie intégrante du patrimoine historique des CAF. Né dans les années 60 sous le nom de « Bonheur », il accompagne la vie de nombreuses familles allocataires depuis des décennies. Il était alors imprimé à 13 millions d’exemplaires chaque trimestre et adressé à l’ensemble des bénéficiaires de nos prestations. Pour des raisons écologiques,économiques et d’adaptation aux usages, nous avons réduit le nombre de destinataires et adapté ce format en version numérique depuis une dizaine d’années. Toutefois, nous avons choisi de maintenir une édition papier, disponible dans les Caf mais aussi dans un réseau de 10 000 partenaires tels que des centres sociaux, des mairies, des France service, afin de répondre aux besoins de ceux qui sont parfois éloignés du digital.

D’une part, il était crucial de penser aux citoyens qui ne sont pas toujours à l’aise avec le numérique. D’autre part, le format papier garantit un accès à une information certifiée et de qualité, surtout lorsque l’on est confronté à l’infobésité du web, qui complique souvent la recherche d’informations fiables. Le format papier possède un intérêt attractif non négligeable, qui renseigne à son niveau, tout en renvoyant à des contenus numériques plus spécifiques. Pour cela, le QR Code, qui s’est démocratisé pendant la crise sanitaire, est un outil plus qu’efficace.

« Vies de Familles » est également un media d’information de proximité. Chaque CAF départementale a la possibilité de créer un cahier central afin de partager ses actualités locales. Ce ciblage des informations est une incroyable valeur ajoutée en termes d’engagement.

La Cnaf a lancé un chantier sur son identité de marque. Quels sont les enjeux d’un tel projet ?

Au-delà d’un simple rebranding, nous avons choisi de travailler sur notre identité, pour qu’elle reflète au mieux l’étendue de nos marques et de nos actions. Sur notre logo, était encore inscrit « allocations familiales », tandis que nos services sont bien plus vastes que cette prestation historique. Ces dernières décennies, l’Etat nous a progressivement confié la gestion de nombreuses prestations de solidarité (APL, RSA, prime d’activité…) sans que notre identité s’adapte en conséquence.

La refonte de notre branding représente un véritable enjeu : nous devons ainsi renforcer notre marque de référence, CAF, déjà dotée d’une forte notoriété, tout en valorisant l’ensemble de nos autres prestations sociales. Nous travaillons donc avec prudence et sans précipitation à faire évoluer la perception de notre acronyme. Par exemple, lorsque vous vous rendez à la FNAC, pensez-vous réellement à la Fédération Nationale d’Achat des Cadres ? Je pense qu’il doit en être de même avec la CAF. Il ne faut pas avoir les « allocations familiales » piteuses mais notre identité doit laisser toute leur place aux autres prestations de solidarité que nous proposons.

Lorsque vous vous rendez à la FNAC, pensez-vous réellement à la Fédération Nationale d’Achat des Cadres ? Je pense qu’il doit en être de même avec la CAF.

Dans les années à venir, quelles seront d’après vous les grandes évolutions à prévoir en matière de communication publique ?

Nous évoluons dans un monde de la « post-vérité », dans lequel les réseaux sociaux et les intelligences artificielles accentuent le phénomène de dualité de l’information et des fake news. Aussi, il me semble qu’à l’avenir, toute l’attention se portera sur l’information, sa source, sa référence, sa stabilité et plus largement sur sa véracité.

Et qui dit information de référence, ne dit pas forcément information ennuyeuse. De plus en plus, les communicants publics auront à adapter les contenus aux modes de consommation mouvants de l’information, pour ne pas inciter le lecteur à aller trouver ce qu’il cherche ailleurs.

A titre d’exemple, nous nous sommes questionnés quant à notre présence sur le réseau social X : était-il pertinent d’y rester ou de le quitter ? Nous avons décidé de rester, pour délivrer une information certifiée et être en mesure de maitriser l’apparition des fake news. Connaissez-vous l’expression : « quand tous les dégoutés sont partis, il ne reste que les dégoutants » ? Il faut s’attacher à délivrer le vrai, partout où il nous est donné de le faire.

Pour finir, quel conseil de communication donneriez-vous aux lecteurs de We Are COM ?

Ce conseil me concerne aussi, en tant que lecteur de We Are COM ! 🙂 Continuons sans cesse à nous informer et à nous former. Ce monde complexe a impérativement besoin de personnes capables de simplifier les choses, de les rendre compréhensibles pour le plus grand nombre. Pour cela, nous communicants, avons et aurons besoin de nous réinventer en permanence, au gré des nouveaux outils et des nouveaux usages.

3 choses à savoir sur Damien Ranger-Martinez

Ses sources d’inspiration ? La presse quotidienne, c’est sa drogue assumée. Impossible de s’endormir sans consulter les titres du lendemain. Son cœur a un attachement particulierpour le « Paris Normandie », la presse régionale de son enfance, qu’il feuillette régulièrement. Sur le plan professionnel, il aime croire que « le pire n’est jamais sûr », un adage qui illustre l’optimisme, l’agilité et la résilience nécessaires aux communicants.

Sa campagne de COM préférée ? Enfant de la pub, Damien a été bercé par « Culture Pub », il serait incapable de choisir une seule campagne parmi ce fascinant répertoire des années 90. Son dernier coup de cœur, c’est la campagne de communication interne de la CAF de Strasbourg, encourageant les collaborateurs à afficher une vraie photo de profil sur les outils bureautiques pour mieux s’identifier et se connaitre. Une réussite bientôt élargie à l’échelle nationale.

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Ses passions ? « Le Vaillant », vous connaissez ? C’est le magazine sur l’automobile que Damien a créé dans son enfance, destiné uniquement à sa famille. Sa passion secrète pour le secteur des mobilités et des transports l’anime encore aujourd’hui : il dévore aussi bien le manuel de pilotage d’un Airbus A350 qu’un ouvrage sur le déploiement des bornes de recharge électrique en France.

 

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