Les mini-salons des métiers de la Communication We Are COM X ISCOM, vous présentent les métiers de la communication publique et politique. C’est parti pour cet épisode #14.
🤓 Et pour en savoir plus sur les dessous de ces secteurs très particuliers, n’hésitez pas à consulter notre épisode #10.
Parole aux pro
📢 Nos invitées de ce mini-salon sont Valérie Perruchot Garcia, Directrice des affaires publiques, de la communication et de la RSE du laboratoire pharmaceutique Janssen et Christel Bertrand, consultante en communication de crise et communication politique.
Bonjour à nos deux expertes ! Pour commencer quel est votre job ?
Christel Bertrand : Je suis consultante en communication de crise et communication politique. J’ai toujours travaillé dans la communication. J’ai commencé par être journaliste grand reporter pour la rédaction de France 2 notamment, puis rédactrice en cheffe pour la matinale d’une chaîne tout info (Cnews). C’est grâce à ce parcours combinant ces multiples aspects de la communication, que je me considère comme une sorte de couteau suisse de la communication.
Valérie Perruchot-Garcia : Tout comme Christel, j’ai commencé ma carrière dans l’univers de la presse. C’est après avoir pu découvrir tous les aspects du métier très complet de journaliste que je me suis intéressée à la communication. Les synthèses de toutes ces années d’apprentissage m’ont conduit à diriger les relations publiques, la communication et la RSE du laboratoire pharmaceutique Janssen.
Pourquoi et quand avez-vous décidé de vous orienter vers la communication ?
C. B : Très jeune déjà, je souhaitais devenir journaliste. À la fin de mes études, j’ai notamment exercé pour la télévision : grand reporter pour la rédaction de France 2. Au fil du temps, estimant avoir fait le tour du secteur, m’est venue l’envie de basculer vers l’univers de la communication politique. Depuis des années déjà, j’avais pris l’habitude et le gout de suivre des personnalités politiques dans leurs campagnes, Nicolas Sarkozy par exemple.
C’est donc tout naturellement que, reconvertie dans la communication, j’ai continué à suivre ces personnalités politiques. Mon passé de journaliste m’a appris à observer et à analyser les choses, à écouter les gens, afin d’être capable de tout re-contextualiser. Et qui dit communication politique, dit communication de crise, vers laquelle je me suis davantage spécialisée.
V. P-G. : Je ne me suis pas réveillée un beau matin en me disant que la communication était faite pour moi. 😀 En réalité, lorsque j’ai entrepris mes études, il n’y avait pas à proprement parler de cursus en communication. J’ai donc suivi une formation assez généraliste à Sciences Po, avant de m’orienter vers le journalisme et la presse écrite.
C’est en plein scandale de Tchernobyl, qu’une annonce du journal Le Monde m’a interpelée. Ce jour-là, j’ai postulé au Service de Presse du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Cela a été une manière de m’initier à la communication de crise, d’en comprendre les enjeux. En effet, comment rabibocher l’opinion publique et le secteur nucléaire, qui traversait alors une très mauvaise passe ? La question était difficile mais passionnante…
À la suite de cette expérience instructive, j’ai eu la volonté de découvrir d’autres secteurs, de ne pas rester enfermée dans tel ou tel univers. Cette curiosité, qui vient très certainement de mon passé de journaliste, m’a poussée à explorer des industries variées : matériaux de construction, finance, assurance et enfin santé. Je dirais que mon approche du métier est donc très holistique.
À quoi ressemble une journée type dans l’univers de la communication politique ou publique ?
V. P-G : Il n’y a véritablement aucune journée type, et c’est d’ailleurs ce qui fait la beauté de notre métier. Pour travailler dans l’univers de la communication, il est essentiel de savoir décrypter un environnement mouvant de manière très rapide, être capable de saisir des enjeux à très court terme tout en ayant une stratégie pour le long terme. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’une réponse à court terme (une réaction immédiate, un tweet, une publication…) a invariablement des répercussions sur le long terme. A l’image d’une stratégie de communication, une stratégie de communication publique s’élabore en se projetant dans l’avenir, donc en appréhendant les enjeux dans leur globalité. Ces enjeux ne sont jamais les mêmes.
Mon périmètre actuel m’amène à gérer également les réseaux sociaux de l’entreprise et de sa présidence. En effet, j’accompagne notre comité de direction sur LinkedIn, croyant fondamentalement en l’incarnation des entreprises.
Au quotidien, il n’est donc pas rare de passer d’une conférence de presse matinale, à une réunion éditoriale sur les réseaux sociaux, puis à une session sur l’interne et enfin à un comité de direction. Et pourquoi pas, finir par une intervention à l’ISCOM ? 😀 Aussi, mes tâches sont extrêmement variées, en fonction de la résonance qu’elles ont avec mon environnement immédiat.
C. B. : Je partage le sentiment de Valérie. En communication, la journée type n’existe pas. Nous avons toujours beaucoup d’ambitions lorsqu’une journée commence. « Je vais faire ci, ou ça », en réalité cela ne se passe jamais comme prévu. Ce paramètre est à entrevoir comme quelque chose de positif, au risque de finir par le subir.
De manière générale, j’essaye de commencer ma journée par l’écoute des radios, la lecture des journaux et la consultation des réseaux sociaux. Il est important de veiller à ce que le monde d’aujourd’hui n’ait pas trop évolué par rapport à celui d’hier, car tout cela peut se répercuter dans nos réflexions et donc dans nos stratégies. Toutes les petites choses que nous pouvons capter au cours d’une journée peuvent être intéressantes dans un contexte de suivi et d’accompagnement de personnalités politiques. Il est essentiel que nous saisissions les préoccupations de ces derniers dans leur globalité : contexte personnel, local, national… C’est en appréhendant et combinant l’ensemble de ces enjeux, que nous sommes en mesure de leur proposer l’accompagnement le plus adéquat, celui qui répondra le mieux à leurs objectifs.
Aussi, une journée ne commence et ne se finit jamais de la même façon. En ce qui concerne la fin de journée, j’ajouterais qu’elle ne se termine jamais à la même heure non plus. Quand une crise explose, elle n’attend pas le lundi matin, il n’y a plus de semaine ou de week-end. Idem lors d’une campagne, il faut être sur le front 7 jours sur 7 et 24h sur 24, cela est fascinant. D’ailleurs, j’aime parler de « com politique de crise », puisque dans une campagne, ces deux formes de communication se confondent.
Qu’est ce qui est le plus stimulant dans vos métiers ?
V. P-G. : Avant tout, la responsabilité, celle que nous avons vis-à-vis de l’entreprise pour laquelle nous travaillons, d’être sans cesse une fenêtre ouverte sur le monde, prête à en décrypter tous les grands enjeux. La communication publique est en contact permanent avec les médias, qui la sollicitent. C’est pourquoi elle doit être aux aguets : comprendre ce qu’il se passe en externe, quel pourrait en être l’impact en interne et comment réagir le cas échéant. Tout cela est assez prenant mais extrêmement enrichissant !
C. B. : Le plus stimulant, c’est tout ce que l’on ne connait pas encore, l’impression de basculer chaque jour (voire même plusieurs fois par jour) vers l’inconnu, pour réorganiser ou réorienter une stratégie. Il nous faut sans cesse faire de notre mieux pour comprendre ce que veut dire ou faire un candidat, pour élaborer un discours qui lui corresponde. Nous ne communiquons pas sur nos propres valeurs, mais sur leurs valeurs. Pour cela, une certaine abstraction est nécessaire. En fait, ce travail est fascinant puisque l’être humain, par essence, est fascinant.
V. P-G : Nous pourrions mettre en parallèle l’accompagnement d’un candidat politique avec celui d’un dirigeant d’entreprise. Lorsque le communicant parvient à se mettre dans la peau de son dirigeant ou de son candidat, de définir ses messages avec justesse et cohérence, alors la bataille est gagnée. L’osmose dans un binôme, c’est lorsque le public ne se dit pas « c’est encore de la COM ».
C. B. : Effectivement, tout se joue sur cette relation de confiance, qui parfois peut s’avérer difficile à obtenir. Il est capital que les personnalités que nous accompagnons se livrent et se mettent à nu, condition sine qua non à cette osmose. Le communicant doit se mettre à la place de la personne au nom de laquelle il s’exprime. Sans cette confiance, la collaboration ne peut fonctionner qu’un temps, sans de solides bases elle finit invariablement par péricliter. Il ne faut jamais oublier qu’au cours d’une campagne, la charge émotionnelle grandit à mesure que l’échéance approche.
Quelles sont les spécificités de la COM politique et publique ?
V. P-G : La communication publique, c’est la communication des « affaires publiques », celle qui touche à tous les différents publics potentiels d’une entreprise ou d’une institution. Chez Janssen, la communication publique s’adresse au grand public, à nos parties prenantes (les médecins, les associations de patients) ou encore à des cabinets parlementaires ou ministériels et des institutions, lors de campagnes de sensibilisation.
C. B. : Tandis que la communication politique, comme son nom l’indique, c’est une communication qui tourne autour de la politique : un candidat, un parti, un ministre, un député… La communication publique est un service public – ce que la crise sanitaire nous a rappelé – alors que la communication politique gère une personnalité et son positionnement.
De plus en plus, la communication politique fait partie intégrante de la vie de l’entreprise, puisque ces dernières ont elles-mêmes de plus en plus à faire avec le monde politique lors d’une prise de décision importante ou d’une gestion de crise. En d’autres termes, les entreprises ont plus que jamais besoin d’être éclairées sur leurs relations avec les politiques.
V. P-G. : Il est vrai que l’annonceur a besoin de la communication politique et vice versa. Un parlementaire, sollicité au quotidien, ne peut être en mesure de maitriser tous les sujets propres à telle ou telle industrie. C’est alors que la communication publique intervient, lui apportant un message synthétique et simplifié afin qu’il puisse entrevoir les choses de manière plus claire et prendre une décision en toute connaissance de cause.
C. B. : Rappelons que la crise sanitaire a effacé les barrières entre les différents secteurs de la communication. Elle fut une sorte d’accélérateur de particules. Désormais, tout communicant doit impérativement être pluridisciplinaire. Il faut apprendre à toucher à tout, d’autant plus avec les crises à venir : climat, cybersécurité, etc.
Comment faire carrière ? Par où commencer ?
C. B. : Par où commencer ? Commencez par faire des études dans la communication. Et pourquoi pas dans le journalisme, c’est là qu’on apprend les techniques d’écritures journalistiques. Le rédactionnel n’est pas dissociable de la communication.
De plus, il faut s’intéresser au monde qui vous entoure : voyagez, lisez les journaux, échangez avec les gens. Pour ceux qui souhaiteraient s’orienter plus particulièrement vers le monde de la politique, allez voir les QG de campagne, écoutez, observez, devenez petites mains, postez sur les réseaux sociaux… Ces expériences sont instructives. Pratiquez et pratiquez encore, c’est comme ça qu’on apprend à communiquer.
Enfin, ce sera la curiosité qui fera votre différence. Soyez curieux de tout, empruntez des chemins de traverse pour vous enrichir sans cesse. C’est aussi en vous intéressant à des choses diamétralement opposées à la COM, que vous parviendrez à nourrir votre réflexion.
V. B. : Comme le dit si bien Christel, savoir rédiger est essentiel ! Finalement, je dirais que tout le monde a un avis sur la COM : une idée, un logo, une présentation… Mais personne n’est jamais venu me questionner sur la qualité d’un message, une fois celui-ci rédigé. La qualité de l’écrit est le fondement de notre métier, c’est ce savoir-faire unique qui nous rend incontournable. J’ajouterais que dans une perspective de carrière, il est important d’être capable de manier plusieurs langues, notamment l’anglais. Je suis Dir. COM d’une filiale française et pourtant 40% de mon travail se fait en anglais.
Par où commencer ? Les écoles qui sauront vous apporter les fondamentaux de la communication. Ensuite, intéressez-vous à tout et osez tout oser. J’ai toujours essayé de casser les barrières au sein de mon équipe, de leur apprendre à basculer de l’interne à l’externe par exemple, afin qu’ils puissent entrevoir l’ensemble des tenants et aboutissants d’une situation. Ne vous interdisez jamais de faire un pas de côté par rapport à ce qu’on veut vous imposer. Dans le secteur pharmaceutique, tout est très encadré certes, mais nous ne nous sommes jamais interdit d’innover, y compris en communication.
Quelles sont les grandes évolutions du secteur ?
C. B. : Tout d’abord, parmi les grandes évolutions, il y a cet effacement de barrières entre les différents secteurs de la communication, accéléré par l’avènement des réseaux sociaux. La plus grande évolution, celle qui a bouleversé le monde de la politique a été la télévision, je dirais que les réseaux sociaux sont davantage une révolution qu’une évolution. Aujourd’hui, les codes ont changé et il est possible d’incarner un message sur les réseaux sociaux. Les politiques locales, qui auparavant n’étaient que très relativement exposées sur les médias, sont désormais capables d’incarner des messages au quotidien avec une bonne maitrise des outils digitaux. Un reportage peut être tourné avec un smartphone et un enregistrement vidéo se faire depuis chez soi.
Plus concrètement, alors qu’avant un clip de campagne nécessitait des budgets énormes et des grands barnums, nous pouvons à présent tourner des séquences « pastilles » de quelques secondes. Les sous-titrages se font dans la voiture et 20 minutes plus tard, le contenu est relayé sur les réseaux sociaux.
Les pratiques et le métier même, ont été révolutionnés. Les prises de parole sont désormais immédiates, nous sommes devenus multimédia.
V. P-G. : Effectivement, les réseaux sociaux ont bouleversé nos quotidiens. En plus de cela, la crise a manifestement accéléré la digitalisation des entreprises. Nous sommes passé d’un quotidien en « full » présentiel, à des visio depuis chez nous, tous derrière nos écrans. Il y a encore quelques années, jamais ne nous serait venue l’idée de faire une conférence de presse en digital, tandis qu’aujourd’hui, tout le monde est à l’aise avec ces nouveaux usages. Nous avons d’ailleurs installé un studio de télévision dans les locaux de Janssen, pour faire cranter nos habitudes professionnelles.
En ce qui concerne l’interne, il faut mener une réflexion de fond, se demander comment tout réorganiser. Le contact humain reste important, il nous faut donc apprendre à jongler entre ces codes plus traditionnels et ces pratiques nouvelles. Les grandes évolutions futures seront, d’après moi, de l’ordre de l’hybride.
Quels sont vos derniers conseils pour les futurs communicants ?
V. P-G. : Travaillez toujours votre employabilité, ne vous contentez pas de ce qui vous plait. La communication est un métier aux multiples facettes, faites des RP, de la communication interne (c’est là qu’on apprend l’exigence du métier), de la stratégie digitale… Faites le tour du propriétaire de la COM ! Cela vous permettra de franchir les étapes, avec à chaque fois plus de responsabilités.
C. B. : N’hésitez pas à explorer les secteurs de la communication qui vous plaisent un peu moins. Plus vous trifouillerez, plus vous apprendrez. Apprenez à écouter des gens qui ne pensent pas comme vous, il faut aller vers le débat et la contradiction. Ce qui manque parfois aux communicants, c’est cette capacité à confronter les points de vue. Cela vous apprendra à argumenter de manière claire, mais également à vous mettre à la place de vos cibles.
Valérie Perruchot Garcia,
Directrice des affaires publiques, de la communication et de la RSE Janssen France
Christel Bertrand,
Conseil en Stratégie de Communication Politique et Communication de Crise