« Du brief au design » : les clés de la créativité !

Du brief au design

Le bon design ne tombe pas du ciel ! Ce serait tellement plus simple… 🤓 Un design réussi, c’est une réponse stratégique à un questionnement problématique !

m.bentotoch🚀 Pour en savoir plus, et à l’occasion de la sortie de l’ouvrage « Du brief au design« , la team We Are COM est allée à la rencontre d’un l’expert du design et du brief créatif, Mohammed Ben Totoch, co-fondateur de l’agence CoGen-ID spécialisée en design stratégique, enseignant et auteur. 🎨 Mohammed nous plonge dans les coulisses de la COM créative !

Bonjour Mohammed, pour commencer, comment définiriez-vous un bon design ?

Quelle question complexe ! Beaucoup de théoriciens du design ont tenté d’apporter une réponse à cette question.

Je dirais qu’un bon design est un design contextualisé, un design qui résout la problématique qui lui est propre. Un intérieur de style Louis-Philippe n’est ni meilleur ni pire qu’un intérieur Philippe Starck. L’un et l’autre dépendent d’un contexte particulier, d’un point de départ différent.

J’ajouterais que le côté stratégique est essentiel. Créer un bon design, c’est apporter un œil neuf à une problématique. Pourquoi se cantonner à ce qu’on a l’habitude de faire, quand on a la possibilité de faire autrement ?

Un bon design est un design contextualisé, un design qui résout la problématique.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et vos expériences ? Qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?

C’est après avoir exercé en tant qu’animateur radio, que j’ai décidé de reprendre un cursus universitaire aux Arts Décoratifs. Cela m’a permis d’esquiver le service militaire, alors encore en vigueur. 🙂 Plus tard, suite à des rencontres déterminantes, j’ai intégré le monde des agences, Novembre, puis Publicis. Ces expériences m’ont permis de participer à des projets nationaux incroyables, mais aussi de travailler sur des communications plus institutionnelles. Aujourd’hui, je suis à la fois professeur d’arts appliqués et de design et Co-fondateur de l’agence CoGen-ID.

Ce parcours varié m’a amené à fréquenter à la fois l’univers du marketing et l’univers de la création artistique, acquérant ainsi une double expertise. C’est cette position que je qualifie de « pivot », qui m’a poussé à entreprendre l’écriture de l’ouvrage « Du brief au du design ». Ma motivation ? Apporter plus de simplicité aux dialogues entre les marqueteurs et les créatifs, ces experts qui parfois peinent à se comprendre.

Ma motivation ? Apporter plus de simplicité aux dialogues entre les marqueteurs et les créatifs, ces experts qui parfois peinent à se comprendre.

Plus concrètement, à qui s’adresse « Du brief au design » et pourquoi ?

Initialement, « Du brief au du design » s’adressait aux étudiants en design. Cet ouvrage avait pour vocation de donner des pistes concrètes à ces étudiants parfois un peu désemparés face aux concours très sélectifs du secteur. Je voulais leur permettre d’appréhender les questions liées aux briefs créatifs de manière plus pragmatique.

Au fil de la conception de ce livre, il m’est apparu que son contenu pourrait également être utile aux communicants qui réalisent des briefs créatifs, un exercice de précision pas toujours bien maitrisé. Il n’est pas rare de voir arriver en agence des briefs interminables, qui même en 30 pages, n’arrivent pas à mettre en avant une problématique. Or, apprendre à problématiser, à synthétiser et à hiérarchiser est une valeur ajoutée incroyable pour le communicant, car un créatif orienté de manière pertinente aura davantage l’occasion d’approfondir les concepts de fond.

Enfin, mon ouvrage s’adresse aux créatifs, notamment aux jeunes créatifs encore trop imprégnés de leurs cursus, qui ne parviennent pas à composer efficacement avec les chefs de projets. Il y a toute une partie psychologique et humaine à prendre en compte pour argumenter efficacement sur un concept. Je suis convaincu que l’écoute active est la clé d’une collaboration constructive.

Et justement, « Du brief au design » : quelle est selon vous l’étape la plus cruciale dans ce processus et pourquoi ?

L’étape la plus cruciale est sans aucun doute le questionnement. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai demandé à Pia Lauritzen, philosophe danoise spécialiste de la question, de contribuer à mon ouvrage. Si le questionnement est aussi fondamental, c’est parce qu’il permet d’enrichir la réflexion, à toutes les étapes de la création.

Tout bon questionnement part d’une recherche sémantique, il doit révéler les paradoxes d’un mot – l’ensemble de son éventail de significations – pour donner naissance à un corpus varié. Ensuite seulement, le questionnement doit concerner le corpus, une étape qui permettra de traduire la problématique marketing en problématique artistique.

L’étape la plus cruciale est sans aucun doute le questionnement.

Pour décrire ce processus de questionnement, j’ai déposé le concept de l’ID-Zone, qui se structure en trois principales étapes :

  • ID-Zone 1 : se questionner sans quitter le thème. Il convient de commencer par la recherche d’un axe créatif, de manière assez spontanée avec des items propres au thème. Il est possible de travailler avec des IA génératives, de mixer des idées et des visuels qui serviront de base au design.
  • ID-Zone 2 : se questionner pour révéler de nouveaux horizons. Cette fois-ci, l’approche doit être plus personnelle et ne peut reposer sur des IA. C’est au designer d’entrer en scène, de porter une réflexion philosophique et dialectique sur des éléments du corpus plus ou moins décorrélés du thème pour en dégager des concepts inédits.
  • ID-Zone 3 : ne questionner que les items du corpus qui sont décorrélés du thème en plongeant au cœur de l’inconnu. Vous avez tiré de l’inédit du corpus, il s’agit désormais d’en tirer du surprenant. Le questionnement se poursuit de manière encore plus personnelle, c’est un peu le secret de fabrique du designer, cette étape qu’il n’expliquera pas à ses interlocuteurs, au risque de les perdre.

Le brief est un sujet parfois compliqué pour les communicants ! Quels sont les ingrédients d’un brief réussi ?

J’ai vu tellement de réunions se terminer par cette terrible phrase : « C’est quoi le brief du coup ? » Un brief réussi est un brief dont la problématique s’énonce clairement. Ce n’est pas à l’équipe créative de faire émerger la problématique d’un projet, mais au client lui-même.

Autrement dit, rien ne sert de réaliser une présentation ou un benchmark de 80 pages qui évoquerait exhaustivement forces, faiblesses, menaces existantes, concurrence… C’est du temps perdu, si aucune base absolue n’est déterminée en amont. Ce n’est qu’une fois la problématique bien établie, que tout se décante et se dessine clairement.

À l’image de Léonard de Vinci, vous affirmez que tous les concepteurs sont également des inventeurs or les identités visuelles des entreprises sont souvent très cadrées. Comment insuffler de la créativité tout en respectant une charte graphique stricte ?

Certes les chartes graphiques sont strictes, elles sont composées d’éléments invariants et invariables. Toutefois, celles-ci ne conditionnent pas tous les designs et laissent aux créatifs un certain espace de liberté.

Prenons comme exemple le logo, ce représentant omniprésent de l’identité visuelle d’une marque, qui se retrouve de manière identique sur les cartes de visite, les sites web, les vitrines, les produits… Mais pas nécessairement sur les nouveaux formats. 🙂 De plus en plus, les logos s’animent sur les supports digitaux ou encore se transforment en icônes minimalistes sur les réseaux sociaux, c’est là que la créativité peut s’exprimer.

Au fait, pourquoi cette référence à Léonard de Vinci ? Il me semble que les designers se sentent souvent un peu désarmés face aux ingénieurs, à ce qu’on appelle le design industriel. Depuis les années 50, l’ingénieur est roi, garant de la technique et de l’esthétique. Heureusement ce système atteint désormais ses limites ! À l’image du grand artiste, à la fois technique et visuel, le designer redore aujourd’hui ses lettres de noblesse, notamment grâce au pouvoir grandissant de la typographie qui est un art à la base de toute communication et qui ne peut plus pu être négligée.

À l’image du grand artiste, à la fois technique et visuel, le designer redore aujourd’hui ses lettres de noblesse.

La RSE est au cœur de tous les enjeux de communication. Mais comment concevoir un design responsable ?

Le concept du design responsable est assez compliqué. Un design responsable, c’est-à-dire absolument frugal et 100% recyclable, ne peut exister, ou du moins, n’existe pas encore. Le design, aussi éco-conçu soit-il, mobilise forcément des ressources.

Néanmoins, il est possible de mettre au point des designs à impact passif, c’est-à-dire dont la consommation énergétique approche zéro. Donc, ce qu’on appelle aujourd’hui un design responsable, n’est finalement qu’un design qui ne serait pas irresponsable.

D’après vous, quelles seront les grandes évolutions de la création dans les années à venir ?

Je suis toujours étonné d’observer la défiance des gens envers les IA génératives. Personnellement, je ne crois pas en une uniformisation et une déshumanisation des créations… Au contraire, je suis convaincu que les intelligences artificielles permettront de concevoir des choses plus sensées, c’est-à-dire plus réfléchies. Le temps que nous gagnerons sur la réalisation et la visualisation des prototypes, par exemple, pourquoi ne pas le mettre au service de la réflexion stratégique ?

Je pense également que lorsque les designers impacteront les algorithmes, l’intuitivité des prompts créatifs sera boostée.

Je suis convaincu que les intelligences artificielles permettront de concevoir des choses plus sensées, c’est-à-dire plus réfléchies.

Avez-vous une ultime bonne pratique marquante à confier aux lecteurs de We Are COM ?

Ne coupez pas la parole et laissez toujours parler l’autre ! De plus, méfiez-vous des législations, qui peuvent, si on n’y prête pas assez attention, déconstruire des campagnes entières.

Du brief au design - Mohammed Ben Totoch

3 choses à savoir sur Mohammed Ben Totoch

Son mantra et ses inspirations ? « On y arrive toujours ! ». Mohammed est persuadé que pour peu qu’on soit motivé, on fini par y arriver. Côté inspirations, il se dit très old school, puisqu’il écoute principalement la radio, notamment la radio suisse pour son approche des actualités internationales assez différenciante.

Sa campagne de COM préférée ? La campagne ultra-créative de Nike, « Nothing beats a Londoner ». Pour promouvoir la pratique du sport, la marque avait réuni de nombreuses personnalités anglaises et réalisé un clip inédit, une occasion originale de revisiter son logo. Dynamisme et créativité, Mohammed est conquis.

Ses passions et engagements ? Des passions, il en a des millions ! Autrement, Mohammed accompagne régulièrement les jeunes dans la pratique du triathlon.

Son anecdote sur le design ? Elle concerne un horloger dont il taira le nom. 🙂 À l’époque, pour la conception de son stand pour participer au salon Baselworld en suisse, la marque avait fait l’erreur de penser qu’elle pouvait se passer d’un designer. Le stand conçu par des ingénieurs du groupe, spécialistes en découpe laser, fut très vite daté, donnant une image peu moderne. à l’exacte inverse de ce qui avait été voulu par les décideurs. Morale de cette histoire ? Ne jamais lésiner sur les moyens lorsqu’il s’agit du design de marque.

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